lundi 26 février 2018

Ni juge ni soumise : un épisode de "Striptease" au cinéma !

Ni juge ni soumise, c'est un épisode de Striptease, l'émission de télévision belge culte, sur grand écran. On retrouve tous les codes de l'émission : un documentaire brut, sans commentaire, sans voix off, et une caméra qui capte sans fard le quotidien de personnages le plus souvent étonnants. Ici, le film tourne autour d'une juge d'instruction pas banale, qui se ballade en deux-chevaux dans les rues de Bruxelles et fait preuve d'une personnalité hors norme, et d'un humour parfois décapant.

Il faut dire qu'il en faut de l'humour, pour faire face aux cas parfois très lourds qu'elle croise dans son bureau et prendre de la distance. Le fil rouge du film, c'est une enquête non-résolue d'un double meurtre, ressortie vingt ans après pour profiter des progrès de la science. L'occasion notamment de l'exhumation d'un corps dans une scène très crue, où on voit tout... Mais tout au long du film, on croise dans le bureau de la juge, toute une galerie de personnages, parfois paumés, parfois arrogants, en général sur des affaires de moeurs ou de vol. Les dialogues sont parfois surréalistes : on n'aurait pas osé les inventer dans un film ! Face à ce reflet sordide de notre humanité, madame la juge, avec sa faconde, fait preuve d'une belle humanité et de pédagogie. Mais en tant que spectateur, on passe du rire au malaise, parfois en même temps... parce que ce n'est pas de la fiction. En particulier lors du moment le plus glaçant du film, quand une jeune femme décrit en détail, et sans émotion, comment elle a tué son propre fils de 8 ans, persuadé qu'il était le fils de Satan. Terrible ! C'est une des scènes les plus perturbantes qu'il m'ait été donné de voir au cinéma. Et le plan final de cet épisode, avec la jeune femme le regard vite et la juge à son ordinateur, témoigne que ce film est vraiment du cinéma.

Ni juge ni soumise est un film étonnant par le portrait singulier qu'il propose et passionnant par la fenêtre qu'il ouvre sur les coulisses de la justice.

Le retour du héros : un vaudeville en costume, sympathique

Alors que Pauline, la fille des Beaugrand, lui est promise, le capitaine Neuville doit partir à la guerre et promet d'écrire tous les jours à sa promise. Mais il n'en fait rien et Pauline dépérit. Alors Elisabeth, la grande soeur, décide d'écrire elle-même les lettres que le capitaine Neuville était sensé écrire... Alors que tout le monde le croit mort en héros, Neuville réapparaît. Lâche, il avait en réalité déserté...

Le retour du héros est un vaudeville en costume sympathique. L'histoire est cousue de fil blanc et joue sur les stéréotypes avec légèreté. Mais, juste une remarque : peut-on encore aujourd'hui, avec légèreté, filmer une scène où on calme une femme hystérique avec une baffe, qui plus est en public ? Petit malaise pour ma part...

Pour le reste, Jean Dujardin fait du Jean Dujardin. Bon... Mais la bonne surprise du film, c'est Mélanie Laurent, dans un registre comique qu'on ne lui connaissait pas vraiment, avec une jolie énergie.

Moi, Tonya : tragique et burlesque à la fois, un portrait étonnant et caustique

En 1994, l'incroyable agression de la jeune patineuse artistique Nancy Kerrigan fait les gros titres des journaux. D'autant que sa rivale, Tonya Harding, est soupçonnée d'être liée à cette affaire. Avant d'évoquer cet incident, le film propose un portrait de la jeune fille la plus détestée de l'histoire du patinage artistique...

La première partie de film se déroule autour de l'enfance et l'adolescence de Tonya. Issue d'un milieu populaire, pas très féminine, la jeune Tonya est poussée par une mère dictatoriale et violente, qui ne lui épargne aucune humiliation, à devenir une championne de patinage artistique. On découvre son ascension, malgré le fait d'être mal aimée et sous-notée par les juges, alors qu'elle accomplit des prouesses techniques. Et puis il y a son mariage, très jeune, avec un homme qui se révélera violent envers elle.

La deuxième partie du film s'intéresse à l'incident de Nancy Kerrigan. Et là ça devient assez surréaliste. On y rencontre des personnages pathétiques (le garde du corps !), complètement dépassés par des événements qui prennent une tournure sordide. C'est Fargo dans la vraie vie ! Et Tonya au milieu de tout cela, obsédée par son rêve olympique, mais aussi son désir d'être aimée alors qu'elle subit ce qu'elle perçoit comme une injustice sportive. On la voit ballottée par un entourage mal intentionné, puis sous la pression médiatique qui risque de briser son espoir d'aller aux jeux olympiques.

Le scénario joue avec les différentes versions, selon les protagonistes, et entretient une certaine incertitude sur les véritables coupables et les victimes. Chacun a sa vérité... et beaucoup sont victimes !

Par un montage dynamique, un ton original, allant jusqu'à briser le quatrième mur (les personnages s'adressant directement au spectateur), le film apparaît comme une véritable tragédie burlesque devant laquelle on rit beaucoup, mais on rit jaune souvent... Car le propos est caustique, décrivant une certaine misère sociale mais dénonçant aussi un racisme social dont Tonya Harding a été victime. Il y a bien-sûr aussi l'évocation d'une éducation marquée par l'humiliation et la violence, et toute ses marques indélébiles. Et puis le petit monde du patinage artistique et ses juges pas toujours objectifs...

Finalement, le film est surtout le portrait d'une femme mal aimée (et même détestée !), qui cherche pourtant toujours à être aimée. Une jeune femme cabossée par son éducation, ses rencontres et ses épreuves. L'histoire, quand même, d'une survivante qui devient attachante, malgré ses outrances.

Margot Robbie est pour beaucoup dans la compassion qui naît envers le personnage de Tonya Hardin. Sa performance est vraiment exceptionnelle. Il faut aussi mentionner Allison Janney, géniale dans le rôle de cette mère absolument détestable et effrayante.

Moi, Tonya, est un film brillant, portrait étonnant d'une femme au-delà du fait divers.

samedi 24 février 2018

La forme de l'eau : une histoire d'amour singulière, magnifique ode à la différence.

Elisa est femme de ménage dans un laboratoire gouvernemental ultra-secret. Elle est muette. Ses seuls amis sont son voisin solitaire, bien plus âgé, et sa collègue de travail, Zelda. Un jour arrive dans le laboratoire un étrange caisson rempli d'eau. A l'intérieur, une étrange créature amphibienne. Petit à petit va naître une relation forte entre la créature et Elisa...

Conte fantastique, La forme de l'eau est avant tout une histoire d'amour, vraiment singulière. Une ode à la différence.

Les événements du film sont situés dans l'Amérique des années 60, en pleine guerre froide (avec ses espions infiltrés, la conquête de l'espace), dans un pays marqué par les émeutes raciales. Un cadre approprié pour une histoire qui nous interroge : qui sont les vrais monstres, qui sont les vrais méchants ? Car le monstre n'est pas celui dont l'apparence peut nous rebuter, c'est celui qui fait preuve de monstruosité dans ses actes. En l'occurence, c'est bien le personnage incarné par le génial Michael Shannon qui est le monstre de l'histoire : raciste, sexiste, cruel.

Ode à la différence, le film invite à aller au-delà des apparences. Un message salutaire, dont la pertinence s'étend bien au-delà des années 60 et entre en écho avec les réflexes de peur et de repli sur soi qui refont dangereusement surface aujourd'hui...

Finalement, qu'est-ce qui fait de nous des humains ? Que dire d'Elisa, qui se dit "incomplète" parce qu'elle est muette ? Et de cette créature, avec son apparente monstruosité, qui ne peut pas être à l'image de Dieu (évidemment, Dieu a forcément l'apparence d'un homme blanc !!!).

Le film parle aussi de solitude (notamment à travers le personnage de Giles, le voisin d'Elisa... et Elisa elle-même, à cause de son handicap), d'amitié, d'exclusion, de vieillesse...

On retrouve l'esthétique et l'ambiance si personnelles de Guillermo del Toro, avec une magnifique photographie. Et puis sa fascination pour les monstres, l'évocation de la cruauté dont sont capables les hommes. On pense forcément au Labyrinthe de Pan, ou ses deux Hellboy (la créature amphibienne rappelle beaucoup le personnage d'Abe Sapien... et est incarnée par le même acteur, Doug Jones !). Plusieurs scènes sont absolument magnifiques : poétiques et oniriques. [spoiler] Je pense par exemple à ce moment magique lorsque Elisa tente de dire à haute voix son amour et qu'elle se retrouve comme projetée dans une comédie musicale où elle chante et danse avec son bien-aimé. [/spoilerOu, bien-sûr, la superbe scène finale, que je ne dévoilerai pas... mais qui est d'une grande poésie.

Au niveau du casting, j'ai déjà mentionné Michael Shannon. Sally Hawkins est très touchante dans le rôle d'Elisa, Octavia Spencer truculente et Michael Stuhlbarg, comme toujours, excellent (pour moi, c'est un des meilleurs seconds rôles du cinéma américain !). Enfin, la musique originale est encore une très jolie réussite du prolifique Alexandre Desplat.

Un film magnifique.

lundi 19 février 2018

Black Panther : un blockbuster moins intéressant pour ses scènes d'actions que pour les thématiques qu'il aborde

L'histoire se déroule peu après les événements qui se sont déroulés dans Captain America : Civil War. T'Challa, alias Black Panther, est de retour au royaume caché du Wakanda, au coeur de l'Afrique, pour montrer sur le trône. Mais un vieil ennemi, Klaue refait surface. En allant à sa poursuite, T'Challa n'imagine pas qu'un autre danger, issu d'un passé caché de sa famille va être révélé et mettre en péril, non seulement le Wakanda mais l'humanité toute entière...

Premier film de l'univers Marvel a être consacré entièrement à un super-héros noir, le film était très attendu. Même si le symbole est important, le film n'est pas aussi révolutionnaire qu'on aurait pu l'espérer... au moins d'un point de vue formel. C'est assez spectaculaire et efficace, mais l'intérêt n'est pas vraiment dans les scènes d'actions, vues et revues (à part peut-être la poursuite en voitures qui est très réjouissante) et du coup un peu longuettes, mais dans les thématiques que le film évoque : l'esclavagisme, le pillage des ressources de l'Afrique par l'Occident, l'accueil des réfugiés, la coopération des nations... Pour un film Marvel, ça mérite quand même d'être noté.

La réussite cinématographique du film se trouve aussi dans la construction, visuellement très réussie, du royaume caché du Wakanda. Et puis il y a des personnages féminins attachants, et un numéro assez génial d'Andy Serkis en méchant déjanté. C'est finalement pas si mal pour un blockbuster qui reste très divertissant, tout en abordant (certes sans trop approfondir) des sujets graves et importants.

L'apparition : un grand film sur la foi et le doute

Jacques, grand reporter, est de retour de Syrie où il a assisté à la mort de son collègue. Il reçoit alors un coup de téléphone du Vatican qui s'inquiète pour une affaire d'apparition de la Vierge à une jeune fille de 18 ans, Anna, dans une petite ville du sud-est de la France. La rumeur s'est répandue, les pèlerins affluent de partout, l'Eglise catholique est débordée... Jacques, qui n'a rien à voir avec ce monde qu'il ne connaît pas, accepte finalement de faire partie d'une commission d'enquête qui doit déterminer si ces événements supposés sont vrais ou non. Mais le curé qui protège la jeune Anna voit d'un très mauvais oeil la venue de cette commission...

L'apparition est un grand film sur la foi et le doute. A travers une histoire bouleversante, le film pose finalement plus de questions qu'il ne propose de réponses. Au coeur du film, il y a la rencontre improbable entre deux personnages que tout semble opposer : une jeune fille mystique et un journaliste sceptique. On y croise aussi d'autres personnages, tantôt inquiétants, tantôt ambigus ou mal intentionnés. Sont évoquées aussi toutes les dérives possibles d'une ferveur populaire liée à la religion, avec la surexposition d'une jeune fille presque béatifiée en direct, la marchandisation du religieux, l'emballement médiatique à l'heure d'Internet...

Et puis il y a l'aspect enquête, qui tient en haleine, avec des rebondissements jusqu'au dénouement, et un certain aspect documentaire avec l'évocation des coulisses de ce que peut être une enquête missionnée par la congrégation pour la doctrine de la foi.

La force du film est de ne pas prendre parti et de laisser le spectateur se faire sa propre idée. L'un des personnages dit, à un moment du film, au journaliste : "La foi n'est pas une question de preuves. C'est un choix libre et éclairé." C'est bien ce choix que le réalisateur, Xavier Giannoli, laisse au spectateur ! Avec respect et honnêteté. En laissant toute sa place au mystère. Le film pose aussi la question du coût de la foi, de ses conséquences pour la vie de ceux qui choisissent ce chemin.

La réalisation est remarquable, avec parfois des images sublimes. Comme par exemple lorsqu'il utilise des plumes qui volent, sortes de métaphores angéliques. A noter aussi le choix parfait d'oeuvres musicales pour la bande son, plusieurs œuvres religieuses, et surtout des compositions du compositeur estonien Arvo Pärt.

Vincent Lindon est parfait dans le rôle du journaliste auquel, forcément on s'identifie, avec nos propres questions face à la foi et au doute. Et la jeune Galatea Bellugi est étonnante dans le rôle d'Anna. Une jeune actrice à suivre !

L'apparition est bien un grand film sur la foi et le doute (et un grand film tout court !), qui interpelle bien au-delà du contexte catholique évoqué par son histoire en premier lieu. Il nous rejoint dans nos questionnements, nous interroge quant à nos choix de vie et leurs conséquences. Et nous laisse le choix de la foi. A voir absolument !

Phantom Thread : une histoire d'amour vénéneuse, d'une élégance folle

Londres, dans les années 50. Reynolds Woodcock est un couturier célèbre, qui habille les familles royales et toute la haute-société. Il gère sa maison de couture avec son inévitable soeur, Cyril. Il enchaîne les conquêtes féminines, dont il finit toujours par se lasser. Il faut dire qu'il n'est pas facile à vivre, avec ses manies, ses rituels et ses humeurs... Jusqu'au jour où il rencontre Alma, bien décidée à prendre sa place auprès de Reynolds.

Phantom Thread est une histoire d'amour vénéneuse, abordée comme un thriller psychologique trouble, assez hitchcockien, et filmé avec une sophistication, une élégance folle (parfaitement en phase avec le monde de la mode). Le tout baigné dans une belle musique, très présente, et qui fait penser parfois à du Bernard Herrmann, de Jonny Greenwood.

Le film de Paul Thomas Anderson évoque, à travers un récit parfois retors, et une pointe de cynisme, les questions de soumission et de domination dans le couple, les manipulations, subies ou acceptées, le besoin amoureux d'abandon à l'autre... mais jusqu'où ? A cet égard, la scène finale est extraordinaire, pleine de sous-entendus, de regards qui en disent long, de petits sourires entendus.

Daniel Day-Lewis est parfait en dandy maniaque inquiétant. Et Vicky Krieps, dans le rôle d'Alma, jeune femme faussement fragile, est une vraie découverte !

Un film passionnant... et déroutant.

lundi 12 février 2018

Cro Man : un agréable divertissement préhistorico-footballistique

Dans une préhistoire un peu particulière, une tribu de l'âge de pierre devra sauver sa place dans sa vallée face à une tribu de l'âge du bronze... à travers un match de football.

Car Cro-Man nous révèle les origines préhistoriques, non loin de Manchester, du célèbres sport au ballon rond. Le film bénéficie du savoir faire de Nick Park et des studios Aardman (Wallace et Gromit, Chicken Run...). Et la technique d'animation est toujours aussi époustouflante. C'est le scénario qui, lui, manque d'originalité, de folie et de poésie. Malgré quelques gags qui fonctionnent, avouons qu'on est quand même assez loin du génie de Wallace et Gromit... Mais le film reste un agréable divertissement pour toute la famille.

Jusqu'à la garde : extraordinaire thriller familial, haletant et perturbant

Le couple Besson divorce... et ça se passe de façon conflictuelle. Miriam demande la garde exclusive de leur fils, accusant son mari Antoine de violences. Ce dernier nie ces accusations et demande la garde partagée. C'est ce que la juge finit par accorder et Julien, leur fils, se retrouve pris en otage entre ses parents.

Jusqu'à la garde est un drame familial filmé comme un thriller. La scène d'ouverture est assez glaçante et on se met à la place de la juge : comment décider, en quelques minutes, dans une affaire de divorce, face à deux versions si différentes ? D'autant qu'en tant que spectateur, le doute subsiste au terme de cette première scène... Ensuite, la vérité apparaîtra assez rapidement, et la tension ne cessera de monter.

Formidablement réalisé par Xavier Legrand (dont c'est le premier film !), Jusqu'à la garde a obtenu deux prix au dernier festival de Venise (dont le Lion d'argent récompensant la meilleure réalisation) et c'est amplement mérité. On ne sort pas indemne de ce thriller familial. Et c'est dans les moments de silence, ou les scènes sans dialogues, que la tension est la plus forte. Comme avec ces gros-plans sur le visage de Léa Drucker dans la scène d'ouverture, ou ce plan séquence filmé au ras du sol dans les toilettes, ou encore celui au cours de la fête d'anniversaire, la musique couvrant les paroles... Et cette montée en tension trouve son paroxysme dans la longue et géniale scène finale, haletante et insoutenable (on pense immanquablement à Shining !).

Le film parle de violences conjugales, des manipulations dont sont capables les pervers narcissiques, de l'instrumentalisation des enfants dans les cas de divorces conflictuels... Des sujets graves, traités avec maestria et incarnés par des acteurs extraordinaires : Denis Ménochet est exceptionnel, Léa Drucker formidable et le jeune Thomas Gioria étonnant.

Un film salutaire qui nous met KO...

Le 15h17 pour Paris : une reconstitution sans grand intérêt cinématographique

Le film évoque l'attentat déjoué en 2015 à bord d'un Thalys à destination de Paris, grâce à l'intervention de trois Américains qui voyageaient en Europe.

On comprends bien l'intention de Clint Eastwood de montrer que des gens normaux peuvent, dans certaines circonstances, devenir des héros. C'était déjà une question au coeur de son dernier film, Sully, où le réalisateur avait magistralement réussi à entretenir une tension tout au long du film, autour d'un événement qui n'a duré que quelques minutes. Ici, l'exercice est similaire... mais il est raté ! S'il y a bien quelques flash tout au long du récit sur l'épisode du Thalys, ce n'est qu'à la fin du film que nous y assistons vraiment. Tout le reste est une longue évocation de l'enfance des trois amis et, surtout, de leur voyage en Europe. Mais quel est vraiment l'intérêt de suivre le tour d'Europe touristique de trois jeunes Américains, juste pour montrer qu'ils étaient des gens comme les autres ? 

Quant à l'idée de faire jouer leur propre rôle aux protagonistes, c'est une curiosité... qui s'avère finalement sans grand intérêt, même si les trois héros sont corrects en tant qu'acteurs.

lundi 5 février 2018

Wonder Wheel : un tout petit Woody Allen

A Coney Island, dans les années 50, Carolina se réfugie chez son père, Humpty, qu'elle n'a pas vu depuis 5 ans, après son mariage avec un gangster dont elle s'est séparée et qui a envoyé des hommes de main à ses trousses. Elle y rencontre Ginny, la nouvelle épouse de son père, ex-actrice un peu ratée reconvertie en serveuse. Puis Mickey, séduisant maître-nageur qui rêve de devenir dramaturge.

Wonder Wheel est, de mon point de vue, un tout petit Woody Allen... Certes, il y a le travail sur la photographie façon technicolor et ses jeux de lumière, il y a bien Kate Winslet, mais le film est trop théâtral (parfois même surjoué...), le réalisateur se répète (c'est un peu un remake de Blue Jasmin dans les fifties) et propose finalement un film qui tourne à vide.

Gaspard va au mariage : un joli film sur la famille, au ton très original

Alors qu'il se rend au remariage de son père, Gaspard tombe par hasard sur une jeune femme un peu fantasque, Laura, qui accepte à sa demande de jouer le rôle de sa petite amie pour ne pas aller seul au mariage. Laura va alors découvrir la famille peu banale de Gaspard, vivant le zoo familial.

Gaspard va au mariage est un très joli film sur la famille, au ton vraiment original, doucement lunaire. On y croise une galerie de personnages attachants et décalés (voir un peu barrés) : un père cavaleur, une soeur persuadée d'être un ours, un frère un peu trop raisonnable... Une famille loin des stéréotypes. Quoique... On y retrouve finalement ce qu'on rencontre dans toute famille, les relations entre frères et sœurs, avec leur ambivalence et parfois leur ambiguïté, les attentes des parents pour leurs enfants, les blessures issues de l'histoire familiale... Le film parle finalement du passage à la vie adulte, de l'émancipation de sa famille (ou comme le dit Gaspard à la fin du film, le moment où on trouve quelqu'un qu'on va aimer plus que sa famille).

Gaspard va au mariage a des allures de film choral, avec tous des personnages qui se cherchent, se découvrent, apprennent à s'aimer, porté par une vraie troupe d'excellents comédiens. Vraiment un joli film, singulier.

L'insulte : un film fort, tendu, humaniste, universel.

A Beyrouth, suite à un différend à propos d'une gouttière, Yasser (un réfugié palestinien) s'énerve et insulte Toni (un chrétien libanais). La situation s'envenime et les deux hommes se retrouvent finalement devant les tribunaux. L'affrontement de leurs avocats et la médiatisation du procès va mettre le pays au bord de l'explosion.

L'insulte est une vraie claque. La façon dont est racontée cette histoire de banale insulte qui devient une affaire d'Etat, exacerbant les tensions sociales et politiques, et ravivant les blessures enfouies, est absolument magistrale. Car on perçoit bien vite qu'il y a bien plus qu'une histoire d'insulte derrière cette affaire. Il y a des blessures profondes pour ces deux individus, rapidement dépassés par la machine judiciaire qui s'emballe, la récupération politique, la vindicte populaire.

La force du film réside dans un propos qui évite tout manichéisme et s'efforce de présenter la réalité, intime et socio-politique, dans toute sa complexité, sans prendre parti pour l'un ou l'autre des camps. Profondément ancré dans la réalité libanaise, le film a pourtant bien un portée universelle, par son plaidoyer pour la réconciliation (entre les peuples et entre les individus). Et, sans le dévoiler, le dénouement est d'une force et d'une humanité incroyables, et se veut porteur d'espoir.

Les acteurs sont tous excellents, en particulier ceux qui incarnent les deux principaux personnages : Adel Karam et Kamel El Basha (prix d'interprétation à la Mostra de Venise pour ce rôle). Un film fort, tendu, humaniste, universel.

jeudi 1 février 2018

Les Tuches 3 : une farce inégale, certes, mais avec l'inénarrable Jeff Tuche

Jeff Tuche, devenu maire de Bouzolles, se réjouit de l'arrivée du TGV dans son village... sauf qu'il ne s'y arrête pas ! Comme il n'arrive pas à joindre l'Elysée pour se plaindre, il décide de se présenter à l'élection présidentielle, pour que chaque village ait son TGV, à commencer par Bouzolle. Et grâce à un incroyable concours de circonstances, il est élu président de la République et s'installe, avec toute sa famille, à l'Elysée.

Ce troisième opus de la saga de la famille Tuche est dans la même veine que les deux précédents : c'est une farce, forcément inégale, mais parfois vraiment drôle grâce à l'inénarrable Jeff Tuche (le débat présidentiel, la visite diplomatique chez Angela Merkel, la grève à l'Elysée...). Et le couple formé par Isabelle Nanty et Jean-Paul Rouve fonctionne toujours aussi bien. Les autres membres de la famille sont en retrait, mais comme ils sont quand même moins intéressants (voire sans grand intérêt comme Mamie Suze) on ne s'en plaint pas. Dommage aussi que, comme dans les deux premiers films, Olivier Barroux se sente obligé d'inclure à la fin une séquence pleine de bons sentiments...

Les Tuche 3 n'est évidemment pas un chef d'oeuvre... mais cette farce, parfois vraiment drôle, nous fait passer un bon moment de divertissement, avec deux grands de la comédie française : Jean-Paul Rouve et Isabelle Nanty.