lundi 31 décembre 2018

L'homme fidèle : élégant et malicieux mais pas inoubliable

Abel et Marianne sont séparés depuis 10 ans. A l'occasion du décès de Paul, le mari de Marianne, ils se retrouvent. Abel décide alors de reconquérir Marianne. Mais les choses ont changé : Marianne a un fils et la jeune Eve, la soeur de Paul, a grandi... et elle est amoureuse d'Abel depuis toujours.

L'homme fidèle est une fable sentimentale, qui parle du couple, de la fidélité et de l'infidélité, et de la paternité, avec élégance et une certaine malice. Impossible de ne pas penser à la nouvelle vague en voyant ce film de Louis Garrel (voix off, dialogues...). Le trio d'acteurs est parfait, avec une mention spéciale à une Laetitia Casta excellente.

Au final, j'ai passé un agréable moment à regarder un film élégant et léger... mais sans plus d'enthousiasme que cela.

L'empereur de Paris : un film en costume assez somptueux mais emphatique.

Sous le règne de Napoléon, François Vidocq s'est échappé plusieurs fois du bagne. Laissé pour mort après sa dernière évasion, il essaye de se faire oublier sous l'identité d'un simple marchand. Mais son passé le rattrape. Il propose alors un marché au chef de la sûreté : il travaille pour la police en échange de sa lettre de grâce.

Ce qui frappe d'abord dans le film, c'est la remarquable reconstitution du Paris des années 1800. Les costumes, les décors, les figurants... c'est assez somptueux. Avec, en plus, un casting de luxe (excellent Patrick Chesnais).

L'histoire, par contre, tire en longueur et se déroule sans surprise, les scènes d'action se répètent, la mise en scène est un peu tape à l'œil, surlignée par la musique : la fin du film verse tellement dans la surenchère que ça en devient même un peu grotesque...

vendredi 21 décembre 2018

Wildlife : un drame sobre, cruel et mélancolique

1960. Jerry et Jeanette, avec Joe leur fils de 14 ans, ont déménagé dans le Montana. Mais Jerry perd son boulot et il ne semble pas faire beaucoup d'effort pour en trouver un autre. Alors Jeanette trouve un job à temps partiel, même Joe trouve un petit travail. Mais les tensions s'intensifient dans le couple. Jusqu'à ce que Jerry décide de rejoindre l'équipe des combattants du feu et part, on ne sait pas pour combien de temps, combattre l'incendie de forêt dans la montagne.

Wildlife est un formidable drame familial, où un adolescent assiste en spectateur à la séparation de ses parents. Il y a quelque chose d'inexorable dans le mécanisme de rupture du couple. On ne connaît rien de leur passé (et on en apprend très peu pendant le film) mais on se rend bien compte qu'il y a un passif, des frustrations accumulées, notamment pour Jeanette qui a dû, malgré elle, rentrer dans le rang et suivre son mari en restant à la maison... Ces silences et ces non-dits sont une des forces indéniable du film. En réalité, on comprend que leur rupture n'est pas soudaine mais qu'elle se préparait depuis longtemps. Mais au moment du départ de Jerry avec les combattants du feu, les choses s'emballent. L'un et l'autre s'engagent chacun dans une fuite en avant qui sonnera le glas de leur couple.

Et tout cela sous le regard impuissant de leur fils Joe... L'essentiel du film se passe à son niveau, avec de longs plans sur son visage en train d'observer ses parents, avec espoir parfois, mais plus souvent avec incompréhension, effroi voire honte. C'est aussi un récit initiatique pour un adolescent qui devra plus rapidement que prévu entrer dans l'âge adulte...

La réalisation de Paul Dano (dont c'est le premier film derrière la caméra !) est remarquable : cadrages, esthétique picturale, plan serrés sur les visages, travail sur le hors-champ... jusqu'à la géniale dernière image du film, tellement lourde de sens ! Le film est aussi remarquablement interprété, à commencer par une formidable Carey Mulligan, dont c'est probablement le plus beau rôle, mais aussi le jeune Ed Oxenbould, excellent.

Wildlife est un drame sobre, cruel et mélancolique. Un film qui prend encore de l'épaisseur après qu'on l'ait vu, quand on y repense. On a envie de le revoir, pour mieux comprendre, explorer les non-dits. Bref, une grande réussite. On est déjà impatient de découvrir le prochain film de Paul Dano !

jeudi 20 décembre 2018

Aquaman : un bon divertissement spectaculaire qui ne fait pas dans la dentelle !

Arthur est né de l'amour entre Atlanna, reine d'Atlantis, et Tom, un simple gardien de phare. Son destin est de devenir le roi des Sept Mers et d'unir ainsi deux mondes opposés : celui de la terre et celui de la mer. Mais pour cela il lui faudra faire abdiquer son demi-frère Orm, qui est sur le trône d'Atlantis et qui est en train de rassembler les Sept Royaumes pour déclarer la guerre au monde d'en-haut.

Disons-le tout de suite, le film ne fait pas dans la dentelle ! Mais ce n'est pas vraiment étonnant. Admettons aussi que les dialogues sont un peu cucul (mais c'est l'amour qui sauve le monde !)... Et l'humour glissé dans le film est plutôt raté : à part un ou deux gags, ça tombe à plat.

Pour autant, Aquaman n'est pas du tout un mauvais film. On passe même vraiment un bon moment à le regarder. Simplement parce qu'on y trouve ce qu'on vient rechercher d'abord dans un film de super-héros : des scènes spectaculaires bourrées d'effets spéciaux avec ici, en bonus, une invention visuelle réjouissante. Plusieurs scènes sont vraiment des réussites (la double course poursuite en Sicile, l'arrivée dans la Fosse, le combat épique final... les scènes de duels sont sans doute moins réussies). Bref, si vous n'attendez pas plus de ce film qu'un grand divertissement spectaculaire, vous en avez largement pour votre argent !

D'ailleurs, je trouve qu'on est souvent trop sévère avec les films DC... et celui-ci est aussi mal reçu par les critiques. Marvel a quand même aussi produit quelques daubes (Hulk, Iron Man 2 et 3...). Et surtout, Man of Steele est probablement, selon moi, un des meilleurs films de super-héros, et Wonder Woman était aussi vraiment bien. Aquaman complète désormais, pour moi, le podium des meilleurs films DC.

lundi 17 décembre 2018

Une affaire de famille : un film tout en finesse, intimiste et touchant

Un soir, Osamu recueille une petite fille qui semble livrée à elle-même. D'abord réticente à l'idée d’abriter l'enfant pour la nuit, la femme d'Osamu accepte de s'occuper d'elle quand elle comprend que ses parents la maltraitent. Et la petite va rester... bien au-delà d'une nuit. La famille d'Osamu vit dans la petite maison de la grand-mère, ils ne sont pas bien riches et complètent leurs faibles salaires par de petits vols à l'étalage. Ils semblent tout de même vivre heureux... mais petit à petit des secrets vont resurgir.

Une affaire de famille est une chronique familiale toute en finesse, ancrée dans la réalité japonaise mais avec un propos universel. Le portrait d'une famille improbable et atypique, avec des pratiques discutables... mais des liens affectifs réels. Le réalisateur porte un regard bienveillant, sans jugement, sur ses personnages. Même quand la machine se grippe et lorsque des secrets se révèlent.

Et le film nous interroge : Finalement, qu'est-ce qu'une famille ? Et qu'est-ce qu'être père ou mère ? Un personnage demande, à un moment du film, s'il suffit d'accoucher pour devenir mère... Un autre déclare : choisir sa famille, cela évite de faux espoirs...

Un joli film, intimiste et touchant, qui a reçu la Palme d'or à Cannes cette année.

Mortal Engines : visuellement inventif mais indigeste au niveau du scénario

Des siècles après une catastrophe d'ampleur planétaire ayant pratiquement détruit la Terre, l'humanité s'est adaptée pour survivre. Elle vit désormais principalement dans de gigantesques villes mobiles qui obéissent à une nouvelle loi de la jungle : les plus grosses villes absorbent, littéralement, les plus petites en les recyclant pour alimenter leurs gigantesques moteurs. Mais la rencontre de Tom Natsworthy, originaire du niveau inférieur de la ville mobile de Londres, et de la fugitive Hester Shaw, qui cherche à se venger de celui qui a tué sa mère devant ses yeux, pourrait bien bouleverser l'avenir de l'humanité.

Commençons par le positif : l'univers visuel du film est très réussi. Vraiment. C'est inventif et spectaculaire. On en prend plein les yeux dans la découverte de ce monde post-apocalyptique rétro-futuriste, avec des faux airs steampunk. Réjouissant.

Le problème, c'est le scénario... qui enchaîne les poncifs, abuse des grosses ficelles et dont l'histoire est un mélange de Mad Max, Matrix, Terminator et je ne sais quoi d'autre encore. C'est franchement indigeste. Et le tout est surligné par une musique emphatique peu inspirée.

dimanche 16 décembre 2018

Roma : un chef d'oeuvre envoûtant aux images sublimes

Roma, un quartier de Mexico, en 1970. Cleo est bonne dans une famille mexicaine de classe moyenne. Le père et la mère, quatre enfants et la grand-mère vivent sous le même toit et ils s'apprêtent à vivre une année tumultueuse.

Chronique familiale dans le Mexique des années 70, Roma est aussi un magnifique portrait de femmes, avec le personnage central de Cleo, si touchant, mais aussi celui de la mère, dans un monde où les femmes doivent être fortes, parce que les hommes font défaut, cruellement, égoïstement.

Le film est dans un superbe noir et blanc, sans musique mais avec un travail remarquable sur l'environnement sonore. La mise en scène est vertigineuse : longs plans séquences, cadrage au millimètre, mouvements de caméra, prises de vue panoramiques, parfois à 360°... c'est prodigieux. Dès le premier plan, c'est foisonnant de détails, plein de vie et de nostalgie à la fois. On perçoit bien que le réalisateur puise ici dans ses souvenirs. Et puis, imperceptiblement, la tension monte pour atteindre, dans les dernières scènes du film, une force dramatique et émotionnelle intense... avant de trouver une conclusion apaisée.

On réalise alors, à la fin du film, que ce n'est pas une simple chronique que l'on a vue mais une véritable fresque, ample et grandiose, riche sans doute de plusieurs niveaux de lecture, et qui parvient à joindre l'intime à l'épique. Roma est un chef d'oeuvre envoûtant, aux images sublimes, qui laisse une empreinte durable sur le spectateur.

PS : Evidemment, je n'ai pas vu Roma au cinéma... puisqu'il n'est visible que sur Netflix. La firme frappe un très grand coup avec ce film... mais quel dommage de ne pas pouvoir pleinement en profiter en le voyant dans un salle de cinéma !

lundi 10 décembre 2018

Astérix - Le secret de la potion magique : Astérix à la sauce Astier, toujours aussi savoureux

Pour la première fois de sa vie, Panoramix, le druide du village, tombe d'un arbre et se blesse lors de la cueillette du gui. Il estime alors qu'il est temps pour lui, afin d'assurer l'avenir du village, de trouver un jeune druide à qui il va transmettre le secret de la potion magique, un secret qui attire bien des convoitises...

Après une première adaptation réussie, sortie en 2014, le duo Alexandre Astier et Louis Clichy remet ça, avec autant de bonheur. On retrouve bien les personnages et l'esprit de Goscinny et Uderzo, mais avec la couleur si particulière dans les dialogues de l'auteur de Kaamelott. Et ça fonctionne !

Le film est drôle, rythmé (ça va à 100 à l'heure), très bien dialogué et joliment animé. Un vrai bon divertissement, pour toute la famille, parfait pour ce temps de fête.

Leto : un portrait rock, inventif et virtuose d'une génération

Leningrad, un été dans les années 80. Dans la Russie soviétique, les disques de Lou Reed et de David Bowie s'échangent en contrebande, une scène rock émerge, sous le contrôle maladroit de la censure soviétique. Mike et sa femme Natacha font la rencontre de Viktor. Ensemble, avec une nouvelle génération de musiciens, ils ont soif de vie et de liberté.

Cet étonnant portrait rock d'une jeunesse underground sous le communisme soviétique surprend par sa liberté et son inventivité. Dans un magnifique noir et blanc, la caméra de Kirill Serebrennikov est virtuose, toujours en mouvement, avec plusieurs longs plans séquences parfaitement maîtrisés. Et puis il y a cette idée géniale de quelques scènes où tout part en vrille, ça devient surréaliste, extrême, parfois avec des dessins, des couleurs ajoutées en surimpression, ou alors avec tout le monde se met à chanter... jusqu'à ce qu'un personnage du film dise, face caméra, que ça n'existe pas. Et tout redevient normal. Une façon étonnante d'exprimer les rêves, les pulsions, les envies de cette jeunesse sous le carcan soviétique.

N'étant probablement pas le "coeur de cible" d'un tel film, j'ai quand même ressenti quelques longueurs... mais l'esthétique et l'inventivité étonnantes du réalisateur emportent très largement l'adhésion.

Pupille : un film dont l'humanité fait un bien fou

Né au terme d'une grossesse non désirée, Théo est remis au service d'adoption par sa mère biologique : c'est un accouchement sous X. Elle a deux mois pour revenir sur sa décision. Pendant ce temps, Théo sera accueilli par Jean, en famille d'accueil. En parallèle, le service d'adoption va déterminer parmi les dossiers en cours qui va adopter Théo à l'issue des deux mois. C'est Alice qui est choisie, elle qui se bat depuis 10 ans pour avoir un enfant.

Quel beau film, plein d'humanité, d'émotion, plein d'amour et d'espoir ! On y apprend plein de choses sur le processus d'adoption et l'accouchement sous le secret, et on admire le travail magnifique accompli par les travailleurs sociaux, à tous les niveaux. Pour autant, ce n'est pas un documentaire mais bien une fiction, avec des personnages forts, une intrigue menée presque comme un thriller psychologique, et beaucoup d'émotion.

Dans ce film choral, tous les personnages sont travaillés, même ceux qui n'ont que quelques scènes, et ils sont formidablement interprétés. Une mention spéciale à Elodie Bouchez qu'on n'avait pas vue dans un si beau rôle depuis longtemps : elle est très juste dans le rôle de cette femme qui va enfin pouvoir adopter un enfant. Gilles Lellouche aussi est incroyablement touchant dans le rôle de Jean, qui d'habitude accueille des adolescents mais cette fois s'attachera pour deux mois à un nouveau né.

La réalisation de Jeanne Herry est subtile et belle, on est au plus près des personnages, avec l'impression de vivre les événements de l'intérieur. Plusieurs scènes sont bouleversantes : on est immanquablement gagné par l'émotion.

Pupille est un très beau film dont l'humanité fait un bien fou. Jamais moralisateur, sans jugement, il est instructif et profondément émouvant.

vendredi 30 novembre 2018

Lola et ses frères : une jolie comédie sur la famille, avec plein de tendresse dedans !

Lola a deux grands frères... Ces trois s'adorent. Mais la relation des deux frères est faite aussi souvent de disputes et d'engueulades. Et c'est toujours Lola qui apaise les conflits et essaye de rattraper les gaffes qu'ils commettent. Tous les mois ils se retrouvent au cimetière, sur la tombe de leurs parents, pour parler... Benoît se marie pour la troisième fois, Pierre est débordé par son travail, quant à Lola elle va, enfin, rencontrer l'amour.

Lola et ses frères est une vraie comédie : on rit souvent, grâce à des personnages bien caractérisés et des dialogues qui font mouche. Mais c'est aussi un film plein de tendresse et de sensibilité, un cocktail que Jean-Paul Rouve sait si bien équilibrer, comme dans son précédent film, Les souvenirs (déjà coécrit avec David Foenkinos). On retrouve aussi dans ce film une thématique qui lui est chère, celle de la famille, principalement autour des relations entre frères et soeurs, mais aussi dans le couple. Et tout n'est pas rose : les relations dans la famille ne sont pas toujours faciles.

Très beau trio d'acteurs : Ludivine Sagnier est lumineuse, José Garcia touchant, Jean-Paul Rouve lunaire, auxquels vient s'adjoindre un Ramzy Bedia dans un registre qu'on ne lui connaît pas vraiment.

Lola et ses frères est vraiment un joli film, sensible et drôle, qui fait du bien. Une comédie avec plein de tendresse dedans !

Les veuves : un film de gangster féministe parfaitement maîtrisé

A Chicago, un braquage tourne mal et les quatre malfaiteurs décèdent. Ils laissent une lourde dette à leurs épouses, ce qui les met en danger. Trois d'entre elles, qui ne se sont jamais rencontrées, vont s'unir pour faire elle-même le prochain casse qui était prévu par leurs maris, le chef du groupe ayant laissé son carnet avec tous les détails de l'opération.

Les veuves est un film à la croisée de plusieurs genres : film de gangster, thriller psychologique, film de casse... On y retrouve les bandes rivales, les hommes de main impitoyables, les politiciens véreux, magouilles et corruption en tout genre... et au milieu de tout cela, quelques femmes qui comptent bien prendre leur destin en main. C'est un film de gangsters féministe, en quelque sorte, avec des femmes qui, finalement, ne veulent rien d'autre que mener leur vie comme elles l'entendent et pas comme les hommes le voudraient...

La réalisation de Steve McQueen est d'une maîtrise formelle remarquable, avec des mouvements de caméras innovants. Par exemple le long plan séquence en voiture, avec la caméra qui reste à l'extérieur, sur le capot du véhicule, alors que deux personnages dialoguent sans qu'on puisse les distinguer à travers la vitre. Brillant. Il y a aussi beaucoup de gros plans sur les visages, notamment lorsque le film se fait intimiste, et quelques scènes d'actions haletantes (dès l'ouverture du film).

Le casting féminin est impeccable, à commencer par une formidable Viola Davis dans le rôle de Veronica, qui s'improvise chef de bande, mais aussi Michelle Rodriguez et Elizabeth Debicki, ses comparses.

lundi 26 novembre 2018

Amanda : sensible, très juste, sobre et émouvant !

Paris, de nos jours. David a 24 ans. Il est très proche de sa grande soeur Sandrine, qui élève seule Amanda, sa fille de 7 ans. Mais sa vie tranquille vole en éclat lorsque sa soeur meurt de façon soudaine, dans un attentat. Désemparé, il se retrouve alors en charge de sa nièce.

Quel joli film ! Une telle histoire pourrait donner naissance à un film lourd et larmoyant... il n'en est rien. La réalisation sobre et toute en finesse de Mikhaël Hers produit un film sensible, très juste, émouvant bien-sûr mais sans jamais tomber dans le pathos. L'histoire avance paisiblement, prenant juste le temps qu'il faut. Seule la scène de l'attentat n'est pas trop convaincante... mais le coeur du film est ailleurs : dans l'évolution des relations entre les personnages, dans le chemin de deuil et de résilience, dans la découverte d'une paternité de substitution, dans la force de l'amitié et l'amour.

Vincent Lacoste n'est pas étranger à la réussite du film. Son interprétation est en tout point remarquable, dans un registre qu'on ne lui connaissait pas encore. La jeune Isaure Multrier joue juste et est touchante (elle est même extraordinaire dans la bouleversante scène finale !).

Il se dégage une douceur, une tendresse, une humanité de ce drame dont on ressort, finalement, plein d'espoir. Vraiment un très bon film !

Mauvaises herbes : une fable sociale généreuse... mais un peu maladroite et simpliste

Waël est un ancien enfant des ruees au Liban. Il vit maintenant en banlieue parisienne de petites arnaques, avec l'aide de Monique, une femme à la retraite qui s'est occupé de lui. Mais un jour Victor, un ami de Monique qu'elle rencontre par hasard (à l'occasion d'une arnaque manquée...), lui offre un petit job bénévole (il faut dire que Monique alourdement insisté). Alors qu'il n'a aucune formation, il va remplacer un éducateur auprès de six ados en difficulté et déscolarisés.

Mauvaises herbes est une fable sociale, généreuse et sincère. On retrouve ici ces caractéristiques qu'on avait appréciées dans le premier film de Kheiron : Nous trois ou rien. Bien-sûr, ça peut paraître parfois un peu naïf... mais l'optimisme et la bienveillance du film font du bien.

Ceci dit, à l'histoire centrale entre Waël et les ados, viennent d'ajouter d'autres fils narratifs, sur l'enfance de Waël, sur l'histoire entre Monique et Victor et sur quelques ados. C'est trop, à mon avis. Et là, le film fait aussi preuve de quelques maladresses, le propos est parfois un peu simpliste. On est assez loin de l'équilibre et du ton original du premier film du réalisateur. Mais dans l'ensemble, ça reste plutôt un joli film.

vendredi 23 novembre 2018

La ballade de Buster Scruggs : Bel hommage au Western... et une pépite !

Le film est une anthologie de six histoires courtes, toutes avec des personnages différents, qui constitue un hommage au Western, avec ses hors-la-loi, ses duels, la ruée vers l'or, les combats avec les Indiens, les parties de poker dans un saloon, les nuits dehors au coin du feu, les grands paysages...

Ca commence comme une farce, en chanson, avec un première histoire où l'humour noir des frères Coen fait merveille. Et puis s'installe un ton plus nostalgique, souvent cruel, où plane toujours la menace de la mort, avant de retrouver l'humour, dans les dialogues, avec la dernière histoire. Les six parties ne se valent pas forcément... mais incontestablement la cinquième, la plus longue, est un vrai bijou !

The gal who got rattled évoque le voyage vers l'Oregon d'une caravane de colons. Tout ici est une merveille : le scénario, le rythme paisible de la caravane à travers les grands espaces, la photographie, les personnages pleins de retenue, de dignité, les acteurs (remarquable Zoé Kazan !), la poésie qui se dégage de l'ensemble, le dénouement... Ces 40 minutes donnent à elles seules donnent toute sa valeur au film ! Un seul regret : ne pas l'avoir vu sur grand écran (le film n'est sorti que sur Netflix...).

lundi 19 novembre 2018

Les chatouilles : un grand film, à l'énergie folle, sur un sujet grave

Odette se décide enfin, adulte, à aller consulter une psy. C'est la première personne à qui elle ose dire qu'elle a été, pendant plusieurs années, abusée sexuellement par Gilbert, un ami proche de ses parents...

Avec ce film, Andréa Bescond adapte au cinéma, avec son compagnon Eric Métayer, le spectacle inspiré de son expérience, et qui lui avait valu le Molière du meilleur spectacle seul en scène. Les chatouilles est un drame bouleversant, sur un sujet extrêmement lourd, celui de la lutte pour la survie d'une victime de la pédophilie. Et pourtant, il y a dans ce film une énergie folle, douloureuse, violente, terrassante... et finalement salutaire. Il y a aussi de l'humour, de la poésie. Et de la danse.

La réalisation, inventive, passe habilement du présent au passé, parfois chorégraphiés, entremêlant les récits avec une certaine virtuosité. Odette, le personnage central du film, évoque ce qu'elle a vécu, ou ressenti... ou ce qu'elle aurait tellement voulu vivre. Et on le vit avec elle, avec ses yeux. On partage sa colère, sa culpabilité, sa honte, son déni. On la suit dans sa fuite en avant autodestructrice (drogue, sexe, fête...). On la voit s'épanouir, s'abandonner ou extérioriser sa douleur à travers la danse, sa planche de salut.

Et puis on est terrorisé, avec elle, lorsqu'elle est seule avec Gilbert dans sa chambre ou qu'il l'emmène dans la salle de bain pour "faire des chatouilles". On a envie de crier pour elle quand elles essaye de faire comprendre à ses proches qu'elle est en détresse mais que personne ne le l'entend, personne ne le perçoit. Comment imaginer qu'un père de famille si attentionné soit un pédophile ? On a envie de l'aider à parler, à ouvrir son coeur en présence de la psy qui essaye de l'aider (après un premier réflexe de recul, lors du premier entretien). Le relation qui se tisse entre ces deux femmes est très belle. On pleure avec elle, face à de telles souffrances terribles, face au silence, à l'incompréhension... Le film remue énormément.

Les acteurs sont tous extraordinaires. Andréa Bescond puise évidemment dans son expérience personnelle, mais quelle énergie incroyable ! Clovis Cornillac et Karin Viard, dans le rôle des parents d'Odette sont d'une grande justesse (la scène où Odette leur dit enfin ce qu'elle a subi enfant : quelle force, quelle intensité et quelle violence !). Pierre Deladonchamps est impressionnant dans le rôle cet homme si doux, attentionné... et pédophile. Glaçant.

Les chatouilles est pour moi un grand film, sur un sujet grave, traité avec originalité et force. Un film salutaire. C'est un drame terrible, dont on ne sort pas indemne. Mais c'est un drame qui laisse aussi l'espoir d'une reconstruction possible, qui illustre la puissance de la résilience, et le besoin vital des autres pour pouvoir s'en sortir, grâce à leur écoute, leur amitié, leur amour.


Les crimes de Grindelwald : un blockbuster épique, sombre et spectaculaire

1927. Le monde magique est divisé. D'un côté Grindelwald, qui s'est évadé de prison, séduit de plus en plus de partisans en promettant la domination des sorciers sur les moldus. De l'autre le ministère de la magie qui tente de contrecarrer Grindelwald, en usant parfois de violence. De son côté, Albus Dumbledore, autrefois ami très proche de Grindelwald, confie alors à son ancien élève Norbert Dragonneau la tâche d'affronter le sorcier. Pour cela, il doit se rendre à Paris, pour une aventure où il retrouvera Queenie, Jacob et sa chère Tina.

Le deuxième volet des Animaux fantastiques, la saga préquelle d'Harry Potter, est un blockbuster épique, sombre et spectaculaire.

Le film est épique grâce à de nombreux morceaux de bravoure qui en mettent plein la vue (l'évasion de Grindelwald qui ouvre le film, l'affrontement final, quelque part dans le cimetière du Père Lachaise...). C'est rythmé, réjouissant (le bestiaire !), très divertissant.

Mais l'histoire est aussi sombre. Située dans l'entre deux guerres, les échos à l'histoire sont évidents : le personnage de Grindelwald, inquiétant et remarquablement incarné par Johnny Depp, avec son discours séducteur, identitaire, évoquant la pureté de la race des sorciers face aux non-mages...

Il y a aussi dans ce deuxième épisode plus de lien avec la saga Harry Potter. Je ne suis pas un spécialiste pour dire si tout est cohérent... mais pour moi ça colle plutôt bien. Et je ne vois pas J.K. Rowling se contredire ! En tout cas, il y a des surprises et des révélations (pour autant que ce soit la vérité...) qui nous font attendre avec curiosité la suite de l'histoire !

Bref, le film est incontestablement une réussite, plus encore que le premier épisode, un blockbuster de qualité, très divertissant. Avec, notons-le, une nouvelle belle partition musicale de James Newton Howard.

lundi 12 novembre 2018

Un amour impossible : Un drame poignant, traité avec pudeur

Fin des années 50, à Châteauroux. Rachel est une modeste employée de bureau. Elle rencontre Philippe, un jeune homme brillant, cultivé, issu d'une famille bourgeoise. De leur liaison va naître une fille, Chantal. Philippe avait averti qu'il refuserait de se marier mais il refuse aussi de reconnaître sa fille. Rachel devra élever sa fille seule et elle va se battre pour que Philippe lui donne son nom... sans savoir que cela allait briser sa vie et celle de sa fille.

Un amour impossible, adaptation du roman autobiographique de Christine Angot, est un drame poignant. C'est un magnifique portrait de femme, d'une mère courage qui se bat pour sa fille, brisée par un amour toxique, en lutte dans un société des années 50-60 où la place des femmes n'était pas évidente. Une femme qui, toujours, se relève ! Elle est incarnée, magnifiquement, par Virginie Efira, dont l'interprétation est d'une justesse rare. Vraiment remarquable. C'est aussi l'évocation sensible d'une relation mère-fille, complexe et pourtant vitale : la scène finale du film est bouleversante ! C'est enfin la description d'un homme manipulateur, glaçant (excellent Niels Schneider), que nous appelons aujourd'hui un pervers-narcissique, et des dégâts terribles qu'il peut causer.

De ce drame familial, très lourd, Catherine Corsini parvient à proposer un récit fluide, évident, plein de pudeur, qui évite toute surcharge émotionnelle mais qui touche au coeur. Et il s'en dégage même, malgré tout, un espoir, celui de la résilience, où l'amour peut finalement permettre au chagrin de s'éteindre... Un très beau film.

Sale temps à l'hôtel El Royale : N'est pas Tarantino qui veut...

L'hôtel El Royale est traversé par la frontière entre la Californie et le Nevada. Ses clients peuvent choisir de louer un chambre dans l'un ou l'autre des deux Etats. Autrefois, les stars et les personnalités politiques s'y pressaient mais cet âge d'or est révolu. A la fin des années 60, quelques personnages hétéroclites (un prêtre, un représentant en aspirateurs, une chanteuse, une hippie...) vont y passer une nuit pour le moins mouvementée.

Clairement, le film se veut un portrait acide de l'Amérique. Et tout y passe : la religion, la politique, le fric, le voyeurisme, la guerre du Vietnam, les armes feu... et la violence. Mais bon, ça va parce que tout se termine en musique...

Le réalisateur, Drew Goddard, a visiblement voulu faire du Tarantino (huis-clos, flashbacks, longs dialogues, musique, déchaînements de violence...). Mais la mise en scène est démonstrative, le message surligné... et le tout est long (presque 2h30 !) et bavard. Bref, n'est pas Tarantino qui veut ! Dommage : l'affiche (quel casting !) était pourtant alléchant...

lundi 5 novembre 2018

En liberté ! : une comédie burlesque et tendre

Yvonne est inspectrice de police, veuve depuis peu. Son mari, flic lui aussi, est un héros local tombé en service. Mais elle découvre que son mari était en réalité un ripou. Perturbée, elle décide d'essayer de réparer les torts commis en veillant sur Antoine, un homme innocent que son mari avait faite condamner pour un braquage monté de toutes pièces. Mais Antoine a bien changé après 8 ans en prison... et leur rencontre va dynamiter leur vie et celle de leurs proches !

En liberté est une jolie comédie, au ton original, qui arrive à être à la fois burlesque et tendre. De façon bien rythmée s'enchaînent gags à répétition, situations absurdes, quiproquos, véritables scènes cartoonesques, humour potache et dialogues bien écrits. On ne rit pas toujours aux éclats, mais on garde la banane presque tout au long du film. Presque, parce qu'il y a aussi quelques jolis moments d'émotion dans un film qui, finalement, parle aussi avec justesse des faux-semblants.

Le film est très bien interprété par l'excellent duo formé par Pio Marmai et Adèle Haenel, mais aussi par Damien Bonnard, remarquable, que je ne connaissais pas et qui est une vraie découverte pour moi.

Bohemian Rhapsody : biopic un peu trop sage malgré 20 dernières minutes grisantes

Le film retrace la trajectoire du groupe Queen et surtout de son chanteur emblématique Freddie Mercury. On y découvre les origines du groupe, son ascension fulgurante, les excès de leur chanteur, l'implosion du groupe et le retour triomphal sur scène, lors du concert Live Aid en 1985.

Bohemian Rhapsody est un biopic autorisé, donc un peu trop sage... Le film n'est pas désagréable à regarder, il reste plutôt efficace, mais j'ai trouvé qu'il manquait de personnalité, d'aspérité. Plusieurs thématiques ne sont qu'effleurées : le rapport de Freddie Mercury (de son vrai nom Farrokh Bulsara) à ses origines et à son éducation, ses luttes avec son identité sexuelle, le SIDA... J'ai trouvé aussi que le film était assez faible sur l'évocation du processus de création, sur le travail d'enregistrement en studio (pour cela, voyez l'excellent Love and Mercy, sur le leader des Beach Boys). Mais heureusement qu'il y a la musique de Queen !

Du reste, les 20 dernière minutes du film, autour du méga concert Live Aid, sont franchement grisantes. C'est clairement le meilleur moment du film, avec des images du concert, sur scène, au plus près des musiciens, ou dans la foule à Wembley, ou avec les gens devant leur poste de télévision... Et Rami Malek y est crédible en Freddie Mercury ! Dans l'ensemble, d'ailleurs, il réalise une très belle performance d'acteur.

samedi 27 octobre 2018

Le grand bain : une comédie généreuse, gentiment utopiste, sur la force de l'amitié

Ils sont tous un peu paumés ou en galère et ils se retrouvent, chaque semaine, à la piscine municipale : ils forment une équipe de natation synchronisée masculine et sont entraînés par une ancienne championne. Mais ils passent aussi pas mal de temps dans les vestiaires, à parler et se soutenir, entre amis. Et puis un jour, ils ont une idée un peu folle : s'inscrire aux prochains championnats du monde pour y représenter la France !

Le grand bain est une comédie généreuse, gentiment utopiste, sur la force de l'amitié. Un "feel good movie" vraiment réussi ! Il y a bien quelques facilités de scénario, des bons sentiments... et alors ? Ca fait du bien un film qui préfère la générosité au cynisme ! Surtout que c'est vraiment drôle, les dialogues sont bien écrits, et parfois touchant.

Et puis il y a la bande de comédiens (quel casting !), tous excellents. Avec une mention spéciale à un génial Philippe Katerine, complètement lunaire, et à une Leïla Bekhti à contre-emploi, en véritable pitbull très drôle !

Vraiment, le premier film de Gilles Lellouche est une jolie réussite ! Une comédie qui fait du bien.

vendredi 26 octobre 2018

Cold War : un drame épuré, du cinéma d'orfèvre

Pendant la guerre froide, en Pologne, une histoire d'amour naît entre Zula, une jeune chanteuse passionnée et Wiktor, un musicien épris de liberté. Ils décident de passer à l'Ouest, à l'occasion d'une tournée à Berlin, mais Zula renonce au dernier moment et Wiktor s'installe seul à Paris.

Cold War est un drame épuré, dense, d'une grande force. Le récit, elliptique, trace en moins d'une heure trente, quinze ans de vie et de passion, l'histoire d'un amour impossible, sans cesse contrarié, dans le contexte de la guerre froide. On alterne entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 50, entre la musique folklorique ou à la gloire du communisme et le jazz. Car la musique est au coeur du film, comme un véritable personnage. Les scènes de concert dans les clubs de jazz, envoûtantes, sont parmi les plus belles du film. Il se dégage de cette oeuvre une poésie triste, teintée de nostalgie et d'espoir déçu, une quête d'amour et de liberté, désespérée. Jusque dans le dernier plan du film, sublime.

La réalisation de Pawel Pawlikowski est d'une précision extraordinaire : science des cadrages, fluidité des mouvements de caméra... L'image, au format carré, et dans un très beau noir et blanc, est superbe. C'est du cinéma d'orfèvre !

Enfin, Joanna Kulig, dans le rôle de Zula, est extraordinaire. Et sa voix, quand elle chante du jazz, nous accompagne longtemps encore après la projection du film...

lundi 22 octobre 2018

Capharnaüm : un beau film sur une réalité dure, très dure

Zain, 12 ans, attaque ses parents en justice "pour lui avoir donné la vie". Le film retrace le parcours de ce jeune garçon, livré à lui-même dans les rues de Beyrouth.

Capharnaüm est un beau film sur une réalité dure, très dure : la rue, les bidonvilles, la prison... les marchands de rêve, les mariages forcés. Filmé à hauteur d'enfant, le film a un aspect presque documentaire. Et la réalité qu'il décrit est terrible, surtout pour un enfant de 12 ans, qui de plus se retrouve avec un bébé d'un an sur les bras. L'histoire est forte, durement réaliste, et le petit Zain est absolument bouleversant.

Un petit regret toutefois : je ne suis pas sûr que l'idée du procès contre ses parents soit si bonne que cela. J'ai trouvé qu'elle donnait à la fin du film un ton un peu moralisateur qui m'a un peu gêné...

Malgré ce petit bémol, Capharnaüm est un beau film, et le regard du petit Zain reste longtemps imprimé dans l'esprit du spectateur.

Le jeu : c'est drôle 5 minutes...

Des couples d'amis se retrouvent pour dîner et décident de jouer à un jeu : tous doivent poser leur téléphone portable au milieu de la table et chaque appel, SMS, message Facebook, mail... devra être partagé avec tout le monde. Evidemment, ça tourne vite au jeu de massacre.

Bon... c'est drôle 5 minutes. Au début, le petit jeu est amusant. D'autant que la bande de comédiens est talentueuse. Mais ensuite, les ficelles sont énormes, ça devient un jeu de massacre outrancier, et quand la comédie vire au psychodrame, ça frôle le pathétique. Quant à la morale de l'histoire, elle est assez affligeante...

First Man : une réussite totale, immersive et intimiste

Le film raconte la trajectoire de Neil Armstrong, le premier homme à avoir marché sur la lune, depuis sa candidature au programme Gemini de la NASA jusqu'à la mission historique d'Apollo 11.

Après le succès de ses deux premiers films, le surdoué Damien Chazelle s'attaque à un véritable mythe de l'histoire moderne. Et c'est une réussite totale : un film à la fois immersif et intimiste.

Immersif, il l'est dans les scènes de test et de vol, tournées souvent en caméra subjective, avec, aussi, un formidable travail sur le son. Vraiment, on s'y croirait et c'est impressionnant : la scène d'ouverture, les test du LEM, les missions Gemini (avec le test d'amarrage en forme d'hommage à 2001 : l'odyssée de l'espace...), l'incendie d'Apollo 1... et bien-sûr le voyage jusqu'à la Lune qui est un grand moment de cinéma ! La vraie bonne idée, c'est de n'avoir intégré ici aucun plan de coupe sur ce qui se passe sur la terre (à Houston, ou auprès de la famille des astronautes par exemple) pour rester exclusivement avec les trois astronautes, depuis le décollage jusqu'aux premiers pas sur la lune. On attend évidement le moment où Armstrong pose le pied sur la Lune et prononce sa fameuse phrase devenue historique : "c'est un petit pas pour l'homme mais un pas de géant pour l'humanité". Mais un des grands moments est la vue à 360° de la surface lunaire, une fois le premier pas effectué.

Mais First Man est aussi un film intimiste, qui s'attache à l'homme Neil Armstrong, déterminé, perfectionniste mais aussi taciturne, avec un sang froid à toute épreuve. Un homme hanté par le drame familial du décès très jeune de sa fille (le film en parle dès le début). Un drame dont Neil Armstrong ne veut, ne peut pas parler, mais qui l'accompagne jusque sur la lune (et qui est peut-être un de ses moteurs pour y arriver !) comme en témoigne la bouleversante scène finale sur la lune, même si elle n'est pas "historique", mais que je ne vous spoilerai pas ! First Man est aussi un film sur le deuil... Cette approche intimiste se confirme lorsque le film se termine avec les retrouvailles, alors qu'il est encore en quarantaine, entre Neil Armstrong et sa femme. On ne voit même pas d'image de la fameuse parade du retour des héros, dans les rues de New York.

Dans cette veine intimiste, il faut noter aussi les scènes familiales, et notamment les épouses des astronautes, embarquées malgré elles dans l'aventure, impuissantes. Il y a une scène intéressante qui filme en parallèle Neil Armstrong au cours de la mission Gemini 8 et sa femme qui gère le quotidien à la maison, les deux étant connectés par retransmission des conversations radio en provenance de Houston... First Man est aussi un film sur la famille...

First Man est donc un film à la fois très réaliste (sur le plan historique, dans sa reconstitution immersive, avec une précision documentaire) et personnel, avec son optique intimiste. Ryan Gosling y excelle dans le rôle de Neil Armstrong, tout en retenue, avec son regard déterminé mais plein de tristesse. Jolie performance aussi de Claire Foy dans le rôle de Janet Armstrong. A noter aussi la belle bande originale composée par Justin Hurwitz, le complice de Damien Chazelle, qui confirme, quand à lui, qu'il est vraiment un grand réalisateur !

lundi 15 octobre 2018

L'amour flou : une comédie qui est restée floue pour moi

Romane et Philippe se séparent. Après 10 ans de vie commune, deux enfants, ils ne se supportent plus... mais ils s'aiment quand même encore, d'une certaine façon. Ils décident alors de déménager et de vivre dans deux appartements séparés, qui communiquent par la chambre des enfants ! Leur entourage est circonspect mais ils sont bien décidés à aller jusqu'au bout de leur projet.

Au-delà du sujet du film, c'est la démarche qui est originale. Le film s'inspire de la vraie vie de ses acteurs principaux et réalisateurs, de leur réelle séparation. Ils jouent leur propre rôle, de même que leurs enfants... et leur chien. D'autres autour d'eux jouent aussi leur propre rôle, d'autres sont ajoutés. C'est évidemment un gage d'authenticité...

Pour autant, malgré quelques bons moments, je suis passé à côté du film : j'ai à peine souri (alors que certains riaient aux éclats dans la salle) et je n'ai pas vraiment été touché par le propos finalement assez convenu. Quand je vois les critiques quasi-unanimes en faveur du film, je me dis que j'ai raté quelque chose. Mais bon, c'est comme ça !

Voyez comme on danse : un joyeux jeu de massacre

15 ans après, voici la suite de Embrassez qui vous voudrez. On retrouve les mêmes personnages principaux, avec quelques autres, et les mêmes galères.

Film choral aux dialogues incisifs (Michel Blanc est un formidable dialoguiste), Voyez comme on danse est un joyeux jeu de massacre un peu vachard. Évidemment tout cela est un peu vain... mais c'est franchement réjouissant ! D'autant que la bande de comédiens réunis par le réalisateur s'amuse beaucoup, et nous avec, en particulier la géniale Karin Viard, toujours aussi drôle. On aurait tort de bouder son plaisir...

Girl : un drame troublant mais jamais impudique

Lara a 15 ans. Elle rêve de devenir danseuse étoile et elle est prête à tous les sacrifices pour y arriver. Son père, qui la soutient, accepte de déménager pour qu'elle puisse entrer dans une des meilleures écoles de danse du pays. Mais pour arriver à son rêve, Lara devra lutter avec son corps : elle est en effet née garçon.

Le sujet est sensible et complexe. Le film est parfois cru, n'hésitant pas à montrer le corps, la nudité, et il devient troublant quand il filme le malaise de Lara envers son propre corps qui, dans ses attributs masculins, lui est étranger. Le film n'est pourtant jamais impudique. Au contraire, c'est un drame intime d'une grande sobriété. Le ton n'est évidemment pas moralisateur mais il n'est pas militant non plus. Ce n'est pas un film à thèse, c'est un portrait fort qui parle, certes, du genre, mais aussi de l'adolescence, du rapport au corps, de la famille...

Le réalisateur, Lukas Dhont, dont c'est le premier film (il a d'ailleurs reçu le prix de la caméra d'or à Cannes), excelle à filmer le malaise intime et se montre d'une grande force dans les scènes de répétitions de danse, véritables tortures pour le corps des danseuses. Et puis il y a Victor Polster, le jeune acteur qui incarne Lara, qui est absolument extraordinaire !

lundi 8 octobre 2018

A star is born : un mélo pop prévisible mais efficace

Star de musique Country, Jackson Maine est sur le déclin... et alcoolique. Un jour, il tombe par hasard sur une jeune chanteuse, dans un bar. Ils tombent amoureux l'un de l'autre et Jack propulse Ally sur le devant de la scène. C'est le début d'une irrésistible ascension.

Je dois dire que ce n'est pas forcément mon genre de films... Mais j'ai été poussé par la curiosité de voir Lady Gaga actrice. Et, disons-le tout de suite, elle est parfaite dans le rôle d'Ally, et pas seulement parce qu'elle est chanteuse : elle se révèle aussi être une excellente comédienne. L'autre surprise, c'est de découvrir Bradley Cooper très bon musicien et chanteur (c'est vraiment lui qui chante !).

Le film, quant à lui, est un mélo pur jus. L'histoire est prévisible mais efficace. La musique est très présente et bénéficie évidemment des prestations vocales de Lady Gaga. Mais il faut avouer que les scènes de concert sont probablement les plus belles réussite du film.

Nos batailles : un film juste, qui touche au coeur

Olivier est chef d'équipe dans une usine et il se bat pour défendre ses collègues. Son travail lui prend beaucoup de temps. Sa femme, Laura, n'arrive plus à faire face. Alors, du jour au lendemain, elle part. Olivier se retrouve seul, avec ses deux enfants en bas âge et doit batailler pour faire face à toutes ses responsabilités.

Nos batailles est un film juste, qui touche au cœur. Les dialogues, non-écrits (et donc improvisés par le acteurs), sont d'un naturel et d'une authenticité étonnante. Y compris chez les enfants ! Ce qui témoigne aussi d'une direction d'acteur remarquable de la part du réalisateur, Guillaume Senez.

J'ai trouvé un peu moins intéressants les éléments du scénario qui touchent au drame social en entreprise mais il sont bien moins nombreux que ceux qui relèvent du drame intime, familial. Ceux-là sont d'une très grande justesse. Et le ton n'est jamais moralisateur, ni larmoyant. Simplement juste et sensible. Jusqu'à la fin du film, magnifique, avec un dernier plan qui ne peut que provoquer une petite larme, malgré tout pleine d'espoir.

Le film parle de la famille ou plus largement du besoin vital de lien (familial, social...). L'empathie est naturelle et immédiate pour ce père et ses deux enfants, leurs souffrances, leurs questions, leurs luttes... et leur volonté de s'en sortir ! Le film offre incontestablement à Romain Duris un de ses plus beaux rôles. Et on apprécie aussi les personnages attachants, à cause de leurs failles à eux aussi, et qui gravitent autour de lui, à commencer par la soeur artiste d'Olivier (incarnée par l'excellente Laetitia Dosch), ou sa collègue de travail syndicaliste (jouée par Laure Calamy).

Nos batailles est vraiment un beau film, très touchant et très juste.

Frères ennemis : un bon polar, classique et sombre

Driss est flic, il travaille à la brigade des stups. Il a grandi dans une cité et plusieurs de ses amis d'enfance sont maintenant des trafiquants de drogue. C'est le cas de Manuel : avec Driss, ils ont grandi comme deux frères. Mais aujourd'hui Manuel est en danger. Driss lui propose un deal, pour le protéger tout en permettant à la police de démanteler un réseau.

Frères ennemis est un bon polar, noir, âpre. Le scénario suit une trame classique qui ne réserve pas forcément de grandes surprises mais tient tout de même en haleine jusqu'au bout. La réalisation de David Oelhoffen, souvent caméra à l'épaule, est dynamique et colle au plus près de l'action. Quant au duo formé par Matthias Schoenaerts et Reda Kateb, il fonctionne très bien.

Bref : un bon polar !

lundi 1 octobre 2018

The Little Stranger : un film d'atmosphère à l'élégance toute british

Le docteur Faraday est médecin de campagne. Un jour il est appelé au chevet d'une jeune patiente à Hundreds Hall, un domaine où sa mère fut employée autrefois mais qui est désormais dans un piteux état. Appartenant à la famille Ayres, il est habité par la mère (qui ne s'est jamais remise du décès de sa première fille Susan), son fils Roderick, gravement blessé à la guerre, et sa fille Caroline, la seule qui semble avoir la tête sur les épaules... Faraday se souvient de la première fois où il avait découvert ce domaine, alors qu'il était enfant, et la facination qu'il avait alors ressenti.

The Little Sstranger est un film d'atmosphère à l'élégance très british. Cette atmosphère met un peu de temps à s'installer, il est vrai. Mais on sent dès le début que quelque chose se cache derrière cette famille et qu'un malheur va arriver. Le film distille alors l'angoisse et entretient le mystère : les fantômes du passé hantent-ils vraiment la maison ? Les drames qui s'y succèdent sont-ils dus à une influence surnaturelle ou ont-il une explication rationnelle ? Quel jeu jouent vraiment les différents protagonistes ?

Le film est réalisé avec élégance par Lenny Abrahamson et remarquablement interprété, avec toute l’ambiguïté nécessaire, par Domhnall Gleeson, Ruth Wilson et Charlotte Rampling.

Un peuple et son roi : une fresque historique ample, didactique et esthétique

Entre la prise de la bastille le 14 juillet 1789 et la mort de Louis XVI sur l'échafaud en 1793, le film raconte la révolution française et la naissance dans la douleur de la République.

Le film est une grande fresque historique, ample. Elle a, certes, une dimension didactique affirmée mais que je n'ai pas trouvée trop appuyée. Le récit est animé d'un réel souffle épique et adopte le point de vue du peuple, autour de plusieurs thématiques toujours actuelles (pardon et vengeance, justice et révolution, peine de mort, place des femmes...). On ne va certainement pas au fond de toutes les questions abordées mais la reconstitution historique est minutieuse. Le film privilégie le tableau global, dans une esthétique qui rappelle les grandes fresques picturales classiques (certains plans sont magnifiques). Formidables comédiens au casting, Adèle Haenel en tête !

I feel good : une fable sociale caustique et tendre

Jacques est un loser et il est obnubilé par une chose : trouver l'idée géniale qui le rendra riche. Pour l'heure, il est plutôt en galère... et il décide, alors que ça fait plusieurs années qu'il n'a pas donné de nouvelles, de demander à sa soeur Monique de l'héberger dans la communauté Emmaüs qu'elle dirige.

Fable sociale caustique, I feel good est une comédie loufoque mais aussi tendre, qui assume sa part d'utopie humaniste. Même si le film est un peu décousu, on savoure les dialogues féroces, les situations comiques, parfois trash, les rebondissements, jusqu'au dénouement.

Le film parle de rêves et de désillusions, de dictature de l'apparence (la dernière idée de Jacques est de proposer de la chirurgie esthétique low-cost pour rendre beau les pauvres !!!) et se moque du langage de la culture entrepreneuriale. Mais il propose aussi un regard bienveillant sur ceux qui sont à la marge, cabossés par la vie, et rend hommage au travail de solidarité et d'accueil des communautés Emmaüs, oeuvre initiée par l'abbé Pierre.

Précisons encore que Jean Dujardin est parfait dans le rôle de Jacques, ce héros pathétique dont on ne sait pas si on doit le détester ou avoir pitié de lui !

jeudi 20 septembre 2018

Les frères Sisters : un western, un vrai, mais au ton très original

Les deux frères Charlie et Eli Sisters sont de redoutables tueurs à gage. Ils travaillent pour le Commodore. Ils doivent se rendre dans le sud pour retrouver John Morris, un détective qui suit Hermann Kermit Warm, qui aurait inventé une formule chimique miracle pour découvrir de l'or. Leur mission est de lui soutirer la formule par tous les moyens avant de le tuer...

Pour son premier film américain, le réalisateur français Jacques Audiard a choisi un western. C'est gonflé ! Mais c'est tout à fait réussi ! Il nous propose un western à la fois classique et original. Classique parce qu'on y retrouve les codes du genre : les chevauchées dans les grands espaces, les fusillades, la ruée vers l'or... Mais le ton est vraiment original, âpre et sombre, certes, mais non sans humour et même, alors qu'on ne s'y attend pas, avec une certaine douceur. Comme souvent chez Audiard, ses héros sont à la fois forts, violents, et fragiles. Plein de paradoxes. Ces gros durs sont en fait des grands gamins, abîmés par la vie, presque inconscients de leurs actes. Le dénouement du film, génialement mis en scène, le confirme de manière assez inattendue !

Les frères Sisters est donc bien un western, certes, mais c'est aussi un conte assez cruel sur la fraternité, voire une fable psychanalytique (la figure omniprésente du père, y compris à travers le Commodore).

Comme toujours chez Audiard, la réalisation est magnifique et d'une maîtrise confondante. Et quel travail sur la lumière (les fusillades nocturnes sont de grands moments de cinéma) ! Impeccable casting, avec un duo Joaquin Phoenix et John C. Reilly qui fonctionne à merveille, auquel viennent s'ajouter le toujours très bon Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed (vu par exemple dans l'excellent Night Call, déjà aux côtés de Jake Gyllenhaal). Il faut enfin mentionner la formidable bande originale, une nouvelle très belle réussite d'Alexandre Desplat (une musique qui évoque parfois du Ennio Morricone déstructuré !).

mardi 18 septembre 2018

Fortuna : Un drame social qui interroge notre capacité d'accueil de l'autre

Fortuna a 14 ans, elle est éthiopienne et est accueillie avec d'autres réfugiés dans une communauté religieuse, au coeur des Alpes suisses. Elle y rencontre Kabir, un jeune africain dont elle tombe amoureuse. Mais son seul véritable confident est un âne, auquel elle confie ses interrogations et ses secrets. La communauté religieuse est perturbée aussi par l'accueil de ces réfugiés, ses membres se retrouvent tiraillés entre leur tradition d'hospitalité et certains événements qui viennent troubler la quiétude de leur vie religieuse.

Ancré dans des problématiques contemporaines, Fortuna est un drame social bouleversant sur la question de l'accueil des migrants et même, plus largement, sur l'accueil de l'autre, étranger, en général. C'est une très belle oeuvre de cinéma, réalisée dans un superbe noir et blanc, au milieu des paysages enneigés des montagnes suisses ou dans le clair-obscur des intérieurs, la nuit. Un travail précis et inventif sur les cadrages, la lumière, les plans larges et les gros plans (celui sur l'oeil de Fortuna alors qu'elle subit un examen médical, et dont une larme finit par couler est d'une beauté renversante). Par son rythme lent, méditatif, quasi-religieux, le film, loin d'être donneur de leçon, ne propose pas de solutions toutes faites à un problème complexe mais invite à la réflexion (jusque dans sa très belle fin, ouverte).

On suit le parcours de cette gamine perdue (incarnée par la touchante Kidist Siyum Beza), loin de ses parents (dont on ne sait rien), dans un pays si différent de ses origines et un monde qu'elle ne comprend pas, trop tôt confrontée à des problèmes d'adultes. L'horreur qu'elle a vécue dans sa traversée depuis l'Afrique est évoquée de façon sobre, à plusieurs reprises, notamment à travers de simples images de la mer agitée.

Et puis il y a la communauté religieuse qui accueille ces réfugiés. A travers elle, deux scènes clés du film nous interrogent quant à notre accueil. La première, au milieu du film, lorsque les cinq religieux discutent autour d'une table et font état de leur désarroi, de leur malaise suite à un événement survenu récemment et qui les a troublé. Le supérieur, frère Jean (formidable Bruno Ganz tout en force sereine et humanité) pose les bonnes questions : sommes-nous prêts à sacrifier ce qui nous est cher pour accueillir ceux qui en ont besoin ? Et la deuxième scène, un dialogue à la fin du film entre frère Jean et Monsieur Blanchet, qui s'occupe des réfugiés, interroge sur la meilleure façon d'accueillir et d'aider son prochain, sur l'importance de faire confiance plutôt que de choisir à la place des autres ce qui est bon ou mauvais pour eux : "parfois le mal, c'est le bien imposé."

La dimension spirituelle est très présente dans le film. D'abord à travers la jeune éthiopienne, dont la foi enfantine l'aide malgré tout à tenir (elle trouve secours dans la figure de la vierge Marie, au point même de s'identifier à elle). Mais aussi à travers la communauté religieuse : quand l'exigence évangélique de l'hospitalité vient troubler même les voeux religieux de silence et de prière, où est la priorité ?

Un très beau film, qui interroge notre capacité d'accueil de l'autre...

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Cet article est paru initialement dans Croire et Vivre, il est consultable ici

lundi 17 septembre 2018

Mademoiselle de Joncquières : une comédie cruelle et élégante

Madame de la Pommeraye, jeune veuve, vit retirée du monde dans sa vaste demeure. Le marquis des Arcis, libertin notoire, cherche à la séduire mais elle résiste... jusqu'à ce qu'elle cède, finalement convaincue de l'authenticité des sentiments du marquis. Après quelques années de bonheur, elle découvre que le marquis s'est lassé d'elle. Amoureuse et blessée, elle met alors au point une vengeance...

Mademoiselle de Joncquières est une comédie, certes, où l'on s'amuse beaucoup, mais c'est une comédie cruelle sur l'amour blessé, avec comme ingrédients amour libertin et marivaudage, tromperies et vengeance, bigoterie et hypocrisie.  Et quel plaisir d'entendre ces dialogues superbes, maniant la langue française avec délice !

Le film bénéficie aussi d'un remarquable casting, en tête duquel on se régale du duo formé par un Edouard Baer confondant de naturel et une Cécile de France magnifique et intrigante. Quant à la réalisation d'Emmanuel Mouret, elle est d'une belle élégance et nous permet de passer un très joli moment de cinéma.

Première année : entre docu-fiction et fable morale

Antoine est "retriplant" en première année de médecine : il a raté d'un rien le concours l'année précédente. Benjamin, lui, arrive du lycée, il n'est pas forcément hyper-motivé mais il a des facilités en science, et son père est médecin. Dans un environnement hyper-compétitif, ils vont s'entraider pour réussir tous les deux leur première année.

Le film est un peu un docu-fiction de luxe sur le parcours de combattant des étudiants en médecine qui se transforme en fable morale sur l'amitié.

L'aspect "documentaire" est intéressant. Il décrit avec réalisme le système quasi-inhumain des concours en général, et du PACES en particulier, avec son esprit de compétition exacerbé, son bachotage obligatoire... Un système qui laisse sur la touche des jeunes qui feraient pourtant d'excellents médecin, et qui étouffe la passion. La plus jolie scène du film est peut-être celle où Antoine emmène son ami Benjamin dans une salle au sous-sol de la fac, pour observer en secret, admiratif et envieux, un cours d'anatomie pour les troisièmes années, sur un cadavre.

J'ai trouvé le côté "fable morale" moins réussi, un peu maladroit. Le dénouement, la morale de l'histoire, m'est même apparu un peu forcé. Les thématiques autour du récits (l'amitié à l'épreuve du PACES, le poids des parents, voire de la dynastie de médecins) traitées de façon un peu superficielle.

Malgré ses qualités, à mon avis, Première année est le moins réussi des trois films de la "trilogie médicale" de Thomas Lilti (j'ai trouvé Hippocrate plus fort et Médecin de campagne plus touchant).

Thunder Road : un film atypique qui nous fait passer du rire aux larmes

Jimmy Arnaud est un policier, plusieurs fois décoré. Séparé de sa femme, il a une fille qu'il accueille en garde partagée. Mais à la mort de sa mère, tout va basculer pour lui. Et ça commence avec son hommage lors des obsèques, qui va être à l'origine de plusieurs problèmes.

Thunder Road est un film atypique, très original. Véritable ascenseur émotionnel, il nous fait passer du rire aux larmes, en passant, parfois, par le malaise. L'incroyable scène d'ouverture, un plan séquence de dix minutes, donne le ton. Pendant les obsèques de la mère de Jimmy, ce dernier a demandé à prendre la parole pour un hommage. Mais Jimmy est maladroit dans ses paroles, il s'emballe, est submergé par l'émotion, et tout finit par partir en vrille quand il essaye de faire passer Thunder Road, la chanson de Bruce Springsteen que sa mère aimait tant et que ça ne fonctionne pas... alors qu'il a prévu de danser sur la chanson, en hommage à sa mère danseuse. Tout le film est déjà contenu dans cette scène ouverture : la performance incroyable de son acteur principal, le ton original, sur le fil du rasoir, les thématiques du deuil ou de la paternité, et la difficulté à dire, à exprimer la complexité de ses sentiments. Dès cette scène d'ouverture, le spectateur est déstabilisé, hésitant souvent entre le rire, les pleurs... ou le malaise.

Thunder Road est un incroyable portrait d'un gars cabossé par la vie, qui pète les plombs mais qui essaye d'être un bon père. Même s'il ne sait souvent pas bien s'y prendre avec sa fille, c'est un peu sa bouée de sauvetage. Il va accumuler galère sur galère et il se retrouvera, au milieu de la tourmente, maladroit, excessif, sans filtre, piégé par ses paroles et les sentiments qu'il n'arrive pas à contrôler. Petit à petit, on en apprend un peu plus sur le passé de Jimmy et on comprend un peu mieux ses failles et ses difficultés.

Le film aborde plusieurs thèmes : le deuil, bien-sûr, et la façon de le surmonter, le divorce et ses conséquences, les difficultés à être père, la pression de la vie professionnelle et ses dégâts sur la vie de famille...

Jim Cummings fait à peu près tout dans le film. Il en est bien-sûr l'acteur principal et sa performance est assez époustouflante. Mais c'est aussi lui qui l'a écrit, réalisé, monté et qui en a même composé la musique ! Certains diront peut-être qu'il en fait trop... mais son personnage est si attachant, dans ses excès et le ton du film si personnel et atypique qu'on lui pardonne volontiers quelques faiblesses dans le scénario.

Thunder Road est pour moi un vrai coup de coeur comme le meilleur du cinéma indépendant américain peut en produire.

lundi 10 septembre 2018

Sofia : un drame social qui dénonce toutes les hypocrisies

Sofia a 20 ans, elle vit avec ses parents, à Casablanca. Elle est soudain prise de violents maux de ventre et sa cousine Lena, qui fait des études de médecine, réalise qu'elle est en réalité enceinte : elle a fait un déni de grossesse. Au Maroc, pour avoir donné naissance à un enfant hors mariage, elle risque la prison. Lena va alors aider Sofia et essayer de dissimuler l'accouchement aux autorités, voire aux parents.

Sofia est un drame social ancré dans la réalité marocaine d'aujourd'hui. Traditions figées, codes de l'honneur, inégalités sociales, condition des femmes, corruption... un terreau idéal pour l'hypocrisie et les faux-semblants (à tous les niveaux) ! Grâce à un scénario habile, ses rebondissements et son dénouement assez terrible, tous les personnages de cette histoire en sont finalement victime et/ou coupables... et le film, au-delà du contexte marocain, interroge toutes les hypocrisies et les faux-semblants. Au Maroc ou ailleurs...


Photo de famille : jolie comédie mélancolique sur la famille

Gabrielle, Elsa et Mao sont frères et soeurs mais ils vivent leur vie un peu chacun de leur côté. Gabrielle fait la statue vivante pour les touristes, Elsa est en colère contre tout le monde et essaye vainement d'avoir un enfant, et Mao est un créateur de jeux vidéo handicapé social... Quant à leurs parents, ils sont séparés depuis longtemps déjà : Claudine est une psy envahissante pour ses enfants et Pierre un râleur égocentrique. Mais à la mort du grand-père, les voilà réunis... et ils devront bien trouver une solution pour s'occuper de la grand-mère âgée et sénile.

Photo de famille est une jolie comédie mélancolique et tendre sur la famille. Même si l'histoire force parfois un peu le trait, avec des membres de la famille très typés (c'est une comédie...), elle touche souvent juste pour évoquer la complexité des liens familiaux, en particulier à l'âge adulte.

Le film est porté par une formidable bande de comédiens : Vanessa Paradis, Camille Cottin et Pierre Deladonchamps pour la fratrie, Jean-Pierre Bacri et Chantal Lauby pour les parents. Un régal.

C'est donc un très joli moment de cinéma sur un thème qui, à défaut d'être original, est traité avec finesse.

Shéhérazade : un drame urbain réaliste sur la force fragile de l'amour

Zachary a 17 ans et il sort de prison. Sa mère n'est pas venue l'accueillir... de toute façon, elle ne peut pas s'occuper de lui. Alors on le remet en foyer. Et puis il traîne dans les quartiers populaires de Marseille. C'est là qu'il rencontre Shéhérazade, une jeune prostituée qui était au collège avec lui...

Shéhérazade est un drame urbain au réalisme cru, sans fard, qui offre une plongée dans les quartiers populaires de Marseille. Délinquance, drogue, prostitution, violence sont le quotidien de ces jeunes plus ou moins paumés, aux parents abonnés absents. Un environnement dur et impitoyable dans lequel, pourtant, naît une histoire d'amour. Véritable petit miracle fragile, étincelle inespérée d'espoir. Mais il n'est pas facile d'accepter l'amour dans un tel contexte, de le reconnaître, simplement de le dire.

A la fois incandescent et sombre, Shéhérazade est un film qui bouscule par son réalisme : le quotidien de la délinquance n'est pas reluisant. Et on s'accroche finalement à cette histoire d'amour comme à une bouée, fragile et incertaine dans ce terrible océan de galère sociale. Jusqu'à être touché, bouleversé, par le dénouement de l'histoire qui laisse poindre malgré tout un peu d'espoir... celui de l'amour.

Les jeunes acteurs, amateurs, jouent juste. C'est particulièrement vrai de Kenza Fortas, dans le rôle de Shéhérazade, qui est la grande découverte d'un film qu'on reçoit comme un coup de poing dans le coeur.

lundi 3 septembre 2018

Burning : thriller psychologique dense et ambigu

Jongsu, un jeune coursier, retrouve par hasard Haemi, une ancienne voisine de son village, avec qui il est allé à l'école. Elle le séduit et il s'éprend rapidement d'elle. Peu de temps après, Haemi va faire un voyage en Afrique et elle revient avec Ben, qu'elle a rencontré au cours de son voyage, une jeune homme riche et mystérieux. Un triangle amoureux s'instaure... jusqu'à ce que Ben révèle à Jongsu son étrange hobby secret et que, peu après, Haemi disparaisse.

Burning est un thriller psychologique dense et ambigu, un véritable jeu de dupes qui déboussole le spectateur. On ne sait jamais vraiment quoi penser de l'histoire qui nous est racontée, on n'est jamais vraiment sûr de ce que l'on voit. Toute l'histoire nous est racontée du point de vue de Jongsu... mais on ne sait pas grand chose du jeune homme, à part qu'il est solitaire, qu'il a vécu dans un contexte familial compliqué et qu'il se prétend écrivain mais qu'il n'arrive visiblement rien à écrire. Peut-on faire confiance à sa perception des choses ? D'autant que dans l'histoire, tout est suggéré, jamais montré. Et lorsque le film devient une enquête, assez obsessionnelle pour Jongsu, des indices semblent parfois trop évidents, ou des détails semblent prendre trop d'importance, alors même que le personnage de Ben reste bien mystérieux... Tout est fait pour entretenir le doute chez le spectateur, et cela jusqu'à la dernière image.

On ressort du film un peu perdu, déboussolé. Avec plein de questions sans réponse. On essaye forcément de refaire le film dans sa tête et c'est là qu'apparaissent parfois sous un jour nouveau certains éléments de l'histoire, et finalement le doute ne fait que grandir. En fait, plus on y pense, plus le film devient vertigineux... Burning est vraiment un film qui interroge notre perception de la vérité et de la réalité.

Guy : un vrai-faux documentaire, plein d'ironie, de tendresse et de nostalgie

Gauthier, un jeune journaliste, apprend après la mort de sa mère qu'il serait le fils illégitime de Guy Jamet, une vieille gloire de la chanson française, qui est justement en train de sortir un album de reprises et de faire une tournée. Pour approcher celui qui pourrait être son père, il propose alors à l'artiste de le suivre avec sa caméra pour, dit-il, réaliser un portrait documentaire de lui.

Le film est un peu un vrai-faux documentaire dont le montage ne serait pas encore achevé, alternant des images dans l'intimité de l'artiste et des images d'archives (et mêmes quelques images de famille du journaliste).

Dans la première partie du film c'est l'ironie qui prédomine, à travers le regard un peu sarcastique porté sur le petit monde du show-bizness, avec ses tournées, les concerts, la promotion dans les médias : passages obligés et jeu de masque. Les dialogues sont incisifs voire caustiques, dans la bouche d'un Guy Jamet cynique, doucement mysanthrope, plutôt désabusé. Et puis il y a les personnages, parfois ridicules parfois touchants, qui gravitent autour de l'artiste. Déjà, ici, l'ironie devient tendre. Et c'est justement la tendresse et la nostalgie qui prennent le dessus dans la seconde moitié du film. Dans l'intimité de la maison en Provence de l'artiste, avec ses chevaux, les masques finissent par tomber. Alors percent les regrets, les remords (l'amour de sa vie, son fils...), la fragilité face au temps qui passe. La comédie devient mélo, même si l'humour est toujours là, un film vraiment touchant.

La performance d'Alex Lutz est bluffante. Sa transformation est impressionnante, grâce notamment à un maquillage très réussi, mais aussi et surtout grâce à l'interprétation de l'acteur, sa gestuelle, son phrasé. Ça ne sonne jamais faux, on a vraiment l'impression d'avoir un septuagénaire devant les yeux !

Il faut aussi mentionner le remarquable travail de reconstitution, avec les fausses images d'archives (les clips et les scopitones !), et les compositions originales plus vraies que nature (avec des mélodies qui restent dans la tête !), et interprétées par Alex Lutz lui-même, talent protéiforme. Rendez-vous, probablement, à la prochaine cérémonie des César.

Cocktail étonnant d'ironie, de tendresse et de nostalgie, Guy est une jolie réussite qui parvient, un peu sur le fil du rasoir, à garder l'équilibre émotionnel et propose au final un hommage mélancolique à la vie d'artiste et une évocation sensible de la paternité et du temps qui passe.