lundi 23 octobre 2017

The Square : une fable féroce et caustique, un film virtuose

Christian, père divorcé, est conservateur réputé d'un musée d'art contemporain. Il a l'habitude de soutenir les grandes causes humanitaires. D'ailleurs, sa prochaine exposition, intitulée "The Square", est construite autour d'une installation, un carré, incitant les visiteurs à la confiance et l'altruisme. Mais quand Christian se fait voler son téléphone portable et ses papiers, sa réaction n'est pas vraiment en accord avec ces principes... et il n'imagine pas les répercussions qu'aura son attitude. D'autant qu'au même moment, l'agence de communication du musée prépare une campagne audacieuse, pour faire le buzz autour de la nouvelle exposition. Leur clip fera d'ailleurs sensation sur les réseaux sociaux, et compliqueront encore la position de Christian.

The Square est une charge féroce contre une société individualiste et bien pensante. Drôle, absurde, cynique, le film est une satire caustique, parfois jusqu'au malaise. A cet égard, la scène de la performance au cours d'un dîner de gala, avec un comédien qui joue le rôle d'un gorille sauvage au milieu du banquet est tout à fait significative. Au début, on s'amuse et on rit (comme les invités aux tables) et puis la scène se prolonge, et petit à petit le malaise monte, et la scène continue... jusqu'à un dénouement d'une étonnante violence.

Le regard de Ruben Östlund est cynique et sarcastique, à la limite de la caricature. Ce qui fait de The Square une fable cruelle où tout le monde en prend pour son grade : l'art contemporain et ses discours parfois abscons, les agences de communication et la recherche du buzz, les intellectuels et les bourgeois dans leurs élans de générosité humaniste contredites par leur façon de vivre au quotidien, les journalistes donneurs de leçon, même les pauvres, les petits, n'en ressortent pas grandis.

Mais ce regard caustique interroge notre bonne conscience... Avec, tout au long du film, la figure du mendiant qu'on ignore, icône de la mauvaise conscience d'une société individualiste et égoïste. Ou avec ce préa-ado en colère, qui poursuit Christian et lui renvoie au visage les incohérences de son comportement. Et du nôtre ?

Sur le plan formel, la réalisation de Ruben Östlund est brillante ! Avec de nombreux plans-séquence, des cadrages originaux et très travaillés, jouant avec les champs et contre-champs, des plans où la figure géométrique du carré est souvent présente (dans le musée, les cages d'escalier, le tapis de sol de la gymnastique artistique...). Le film recèle plusieurs scène d'anthologie (Christian sillonnant les couloirs d'un immeubles dont les lumières s'éclairent à son passage, ou fouillant les poubelles sous la pluie, un une scène de sexe surréaliste...).

Le film repose sur les épaules de l'acteur danois Claes Bang, qui est pratiquement de tous le plans et qui est absolument remarquable. Elisabeth Moss est impeccable dans chacune de ses apparitions et il faut mentionner la performance étonnante du jeune Elijandro Edouard dans le rôle du pré-ado en colère !

The Square a reçu la palme d'or au dernier festival de Cannes, même si les critiques étaient très partagées. Je peux comprendre que le film soit clivant : il ne peut pas laisser indifférent. Moi, j'ai adoré ce film génial, original, virtuose et caustique.

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