lundi 28 août 2017

Les proies : un huis clos allégorique et cynique

En pleine guerre de Sécession, en terre sudiste, les pensionnaires d'un internat de jeunes filles recueillent un soldat blessé du camp opposé. Faut-il le livrer comme prisonnier aux armées sudistes ou le garder caché, au moins le temps de le soigner ?

Le film est un huis clos allégorique et cynique (sur le désir, la violence, la piété, les hommes et les femmes...) . Même si le choix de Sofia Coppola est d'adopter le point de vue des femmes, elle entretient bien l'ambiguité de la situation. Qui est la proie de qui dans cette histoire ? Pendant que les hommes s'entre-tuent (on entend au loin, tout au long du film, les bruits du champ de bataille), les femmes restent seule, à l'écart. Isolées, inactives... et frustrées. Alors quand un homme arrive au milieu d'elle, les frustrations ressortent en même temps que le désir fait surface. Un tel contexte peut transformer les plus innocentes créatures en monstres...

La réalisation de Sofia Coppola est virtuose, avec une attention particulière aux décors et à la lumière. Tout est filmé en lumière naturelle, à la lueur des bougies à l'intérieur, plongée dans la brume à l'extérieur. Le ton d'ensemble est assez cynique et les personnages sont très caractérisés (presque caricaturaux... mais c'est intentionnel !), incarnés par un casting féminin remarquable, Nicole Kidman en tête mais aussi Kirsten Dunst, Elle Faning et la jeune Oona Laurence. Colin Farrell est plus en retrait... mais c'est aussi lié au choix de la réalisatrice. Très bon film !

120 battements par minute : avis express

La plongée dans les coulisses d'Act-Up, dans les années 80, est passionnante. Cette restitution, de l'intérieur, constitue le meilleur du film. Notamment les réunions hebdomadaires, lieu de débat et d'élaboration des actions, où chacun peut prendre la parole et où les tensions et les questions apparaissent. Mais aussi les actions choc elles-mêmes, pour frapper l'opinion publique, interpeller et dénoncer le silence et les atermoiements des pouvoirs publics.

Pour autant, je n'ai pas trouvé le film aussi exceptionnel qu'on le dit (les critiques sont pratiquement unanimes). J'ai trouvé que le film cédait à quelques facilités (comme le générique de fin sans musique) et alternait avec un peu trop de systématisme les scènes de débat, d'action, de fête et les scènes intimes (bien que celle de la veillée funèbre, à la fin du film, soit une réussite). Ca reste toutefois un bon film, à l'intérêt historique et documentaire évident.

lundi 21 août 2017

Une femme douce : un film étrange, acerbe et dérangeant

Une femme reçoit en retour de la poste un colis qu'elle a envoyé à son mari en prison, sans aucune explication. Elle décide d'aller apporter elle-même le colis mais celui-ci est toujours refusé. Sans explication. Désemparée, elle va croiser des gens qui disent vouloir l'aider...

Une femme douce est un film assez étrange. Dérangeant. C'est une critique acerbe d'une Russie post-soviétique qui a gardé un fonctionnement bureaucratique et froid, source d'aliénation, d'humiliation et de violence.

Pendant au moins les deux-tiers du film, on suit cette femme, perdue, au visage perpétuellement triste, faire face au mur impénétrable de l'administration ou ballotée par des personnes plus ou moins recommandables. Et puis, tout à coup, le film bascule dans un surréalisme onirique et cynique, avant de virer au cauchemar insoutenable... et de se terminer de façon ouverte mais assez glaçante.

A vrai dire, je ne sais pas vraiment si j'ai aimé le film... Interpellé, dérangé, sûrement. Ce qui est évident par contre, c'est que le film est très bien réalisé, avec de nombreux longs plans fixes (notamment des panoramiques parfaitement cadrés), et une lumière assez remarquable.

Atomic Blonde : avis express

Un film d'action clinquant, au scénario tarabiscoté... et finalement assez convenu. Les réussites du film sont sans doute dans les scènes de combats, spectaculaires. Surtout, aux deux-tiers du film environ, une longue scène assez ahurissante, en plan-séquence, où l'héroïne lutte contre plusieurs assaillants dans un appartement puis dans une cage d'escalier. C'est ultra-violent, tendu, viscéral. A couper le souffle. Dommage que le reste du film ne soit pas de ce niveau, malgré Charlize Theron...

lundi 14 août 2017

Que Dios nos perdone : un remarquable polar noir et étouffant

Madrid, été 2011. En pleine crise économique et alors que la ville s'apprête à accueillir la visite du pape pour les JMJ, deux flics que tout oppose enquêtent sur les meurtres sordides d'un serial-killer qui s'attaquent aux femmes âgées.

Que Dios nos perdone est un vrai film de genre : un polar vraiment noir, à l'ambiance lourde et étouffante sous la chaleur de l'été madrilène. Un film qui prend aux tripes. Avec des meurtres sordides (et filmés de façon assez crue), un serial-killer implacable, une enquête longue et compliquée. Un film qui explore sans complaisance la noirceur de l'âme humaine. Et pas seulement chez le serial-killer... mais aussi chez son duo de flics estropiés en matière de relations et devant faire face à leurs démons. Un film noir jusque dans son épilogue, désenchanté.

Mais quelle belle maîtrise dans la réalisation de Rodrigo Sorogoyen ! Et quel bon scénario ! Après La isla minima ou L'homme aux mille visages, le cinéma espagnole prouve encore la qualité de ses polars sur fond politique. Car le contexte politique est omniprésent, en toile de fond, dans le film : la crise économique et la grogne qui monte dans la population ; la visite du pape et l'empreinte du catholicisme ; la volonté de ne pas ébruiter l'affaire dans un tel contexte... mais qui du coup encourage le meurtrier à continuer !

Le film est également remarquablement interprété, notamment dans ses deux rôles principaux. Antonio de la Torre dans le rôle de Velarde, policier bègue et limite autiste. Et encore plus Roberto Alamo dans celui d'Alfaro, flic gouailleur qui n'arrive pas à gérer la violence qu'il a en lui. A noter enfin la très bonne bande originale d'Olivier Arson, avec la forte présence de l'orgue, dans un registre lugubre, qui apporte également une certaine connotation religieuse.

Un film remarquable !

La tour sombre : avis express

Je ne connais pas les romans de Stephen King mais je veux bien croire, comme je l'ai lu dans certaines critiques, que le film en est bien éloigné. En effet, le scénario est prévisible, l'histoire est assez bancale, la réalisation est quelconque, le duel final est raté.

Bref, un blockbuster sans âme qu'on oublie bien vite...

Une vie violente : avis express

Une plongée assez glaçante dans le nationalisme Corse des années 90. Le film évoque l'engrenage de la radicalisation (avec le passage par la case prison), la spirale de la violence dans une lutte où se mêlent idéalisme, politique, vendetta, fierté et rancœurs.

J'ai trouvé toutefois que l'intrigue était un peu brouillonne et le film un peu bavard. Mais le choix d'une réalisation sobre, presque comme un documentaire, donne finalement une certaine authenticité au film et fait peut-être sa force. Intéressant.

lundi 7 août 2017

La planète des singes - suprématie : souffle et émotion pour clore la trilogie en beauté

César, toujours à la tête des singes, doit faire face à un colonel fou et sa milice fanatisée, qui a bien l'intention d'anéantir tous les singes pour établir la suprématie des humains.

Je m'attendais à voir un film de guerre mais, bien qu'il y ait quelques scènes de guerre (essentiellement au début et à la fin du film), War for the Planet of the Apes (le titre original) est plus un film d'aventure sur fond de guerre, qui ne manque pas de souffle et d'émotion, et qui prolonge la thématique initiée avec le deuxième volet sur ce que signifie être humain.

Le film de Matt Reeves est une très belle réussite, l'exemple même d'un blockbuster intelligent. La maîtrise du réalisateur est remarquable, le scénario efficace et il intègre de nombreuses influences, pleinement assumées. On pense, évidemment, à Apocalypse Now ou La Grande Evasion, ou même aux Dix Commandements (pour la fin du film) !

D'un point de vue technique, le film est absolument époustouflant. La motion capture a encore progressé et le résultat est vraiment bluffant. On arrive aujourd'hui à une précision et un naturel impressionnants. Les nombreux gros plans sur les visages des singes sont d'une expressivité confondante, et sont vecteurs d'émotion comme jamais. Et puis, il faudra bien finir par donner un Oscar à Andy Serkis, au moins pour l'ensemble de son oeuvre !

Enfin, au niveau de la bande originale, Michel Giacchino signe incontestablement ici une de ses meilleures partitions !

Avec ce film, la trilogie est bouclée. Et elle est bien bouclée. Elle apparaît vraiment comme un préquel au film mythique de 1968 : tous les éléments conduisant au film de Franklin Schaffner sont en place (y compris certains de ses personnages comme Cornelius et Nova). Voilà le blockbuster de l'été à ne surtout pas manquer !